Florence Cestac, j’adore.
Ses dessins, son humour, son irrespect d’à peu près tout ce qui est bien pensant.
Associée à Jean Teulé, elle vient de s’atteler à raconter la vie, en bande dessinée, d’un monument de la BD: Jean-Charles Ninduab dit « Charlie Schlingo ».
L’album s’appelle « Je voudrais me suicider, mais j’ai pas le temps » et est… un régal pour tous ceux qui ont aimé Schlingo.
Pour le situer à ceux qui ne le connaîtraient pas, disons que, né en 1957, il a assez mal commencé dans la vie.
Atteint de polio trois mois avant la découverte du vaccin, il est surnommé « Vilain » par ses parents qui le cachent sous la table quand ils reçoivent.
On a beau dire, ce genre de chose, ça marque…
Seul coin de ciel bleu dans cet univers à la Dickens: son adorable grand-mère, tendre et aimante, qui l’initie à Popeye, Pépito et Tartine Mariole.
Il deviendra ensuite un auteur étincelant…
Optimiste et désespéré, il est drôle, délicat, charmant, ingérable, élégant et mal élevé.
Sa vie est parsemée de hauts et de bas, de réactions inattendues ou démesurées. Il ira jusqu’à accrocher le fameux professeur Choron à un portemanteau pour se faire payer les six mois de salaire qu’il lui doit. Mieux encore: pour arrêter la drogue, il choisira l’option de… jeter son dealer par la fenêtre! Expéditif, mais efficace.
Agressif lorsqu’il était ivre, il faisait peur aux gens qui ne le connaissaient pas, mais avait un côté tellement émouvant que ceux qui l’approchaient de plus près fondaient pour sa personnalité.
Un exemple? Il a déclenché un jour une bagarre générale après avoir quasi massacré un homme qui avait giflé une femme.
Ayant horreur de la « brutalitude », il a tout cassé.
Mais, poli, il a ensuite écrit un désarmant petit mot d’excuse: « Je sais que ce n’est pas bien de taper sur la tête des copains ou de les étrangler. »
Son mal de vivre caché sous une drôlerie irrésistible, il le noyait dans l’alcool.
Sa commande en arrivant dans un bistrot? « Patron, une cuite, s’il vous plaît! »
Ce qui devait arriver arriva: brisé par ses excès, Schlingo est parti trop tôt, 49 ans, en 2005.
Il laisse 18 albums, et un passage remarqué dans des revues et journaux comme « Hara-Kiri », « Charlie Hebdo » ou « Fluide Glacial ».
La BD qui lui est consacrée est hilarante, touchante, dérangeante… tout lui!
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, c’est le moment où jamais de le découvrir.
Et pour vous faire une idée de son humour un brin décalé, voici l’une de ses célèbres tirades…
LE PANTALON
Poème de Charlie Schlingo
Un pauvre pantalon s’ennuyait tous les jours
Oh, mon Dieu!
Que les jours étaient longs.
Mieux vaut l’amour sans pantalon
Qu’un pantalon sans amour.
« Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps », Florence Cestac et Jean Teulé, Dargaud.