Jean Ferrat nous a quittés ce samedi…
Je ne vais pas faire son éloge, sa biographie.
Les rédactions de partout l’ont fait et le feront encore.
Je voudrais juste revenir sur une poignée de souvenirs liés à quelques-unes de ses chansons.
J’avais douze ans quand, un soir, lors d’un camp scout, j’ai chanté pour la première fois une de ses chansons.
Je commençais à jouer de la guitare, timidement.
Et la « compagnie » a entamé « Nuits et Brouillards », autour du feu.
J’étais une pré ado plutôt discrète, mal dans ma peau, qui n’aimait pas se faire remarquer.
Mais là … quand j’ai entendu comment les filles chantaient cette chanson bouleversante en martelant chaque phrase sans en écouter le sens, j’ai vu rouge. Le père de Jean Ferrat était Juif, avait été déporté. Je le savais. Cet épisode de l’Histoire était déjà à mes yeux une chose infernale, insupportable. Cette chanson était un cri, une déchirure.
Je me suis levée, ma guitare à la main, et, sans réfléchir, j’ai dit: stop!!!
L’une des « cheffes » m’a demandé, surprise, ce qui m’arrivait.
Je lui ai dit qu’il n’était pas possible de chanter ce texte comme cela.
Il nous racontait l’exode, la souffrance, l’horreur…
Elle a réfléchi et elle m’a dit: d’accord, chante-la seule, comme tu la sens.
J’ai pris ma guitare et je l’ai fait.
C’est un souvenir émouvant…
A la même époque, j’ai découvert Aragon à travers Ferrat.
Rien que pour cela… je voudrais lui dire merci…
Sa poésie ne me quitte plus…
Aragon a été lié aux plus beaux moments de ma vie.
Puis « La Montagne » que j’ai redécouverte lorsque ma vie s’est posée dans les Alpes vaudoises.
J’ai vu l’attachement des montagnards à ce texte si proche de leurs préoccupations, de leur vécu…
Cette chanson, je l’ai chantée l’été dernier pour la maman de l’une des membres de mon Triangle d’Or.
Ferrat, toujours présent dans les chansonniers, dans les mémoires…
Tant de chansons que j’ai aimées, chantées.
Et puis un jour, la découverte de celle qui, pour moi, est l’une des plus marquantes: « La complainte de Pablo Neruda ».
Je l’écoute souvent, toujours avec la même émotion.
Tout à l’heure, j’étais avec un ami au téléphone lorsque la nouvelle est tombée sur mon mail: « Jean Ferrat est mort ».
Bien sûr, on s’y attendait, il fallait bien qu’il parte un jour.
Mais cela m’a peinée.
J’ai lu la nouvelle à Philippe.
Lui, pur montagnard aux yeux de la couleur des lacs de là-haut, alpiniste, excellent skieur, a été touché.
Et il a eu cette phrase: « La montagne est en deuil… »
Ce soir, j’ai de la peine. Je réécoute « La Complainte de Pablo Neruda ».
Martine Bernier