Au lendemain de cette journée d’opération, je subis le contrecoup, comme tout le monde dans ces cas-là .
Je me suis remise à écrire.
Un peu.
C’est mon refuge, mon oxygène, mon travail.
La fenêtre s’ouvre sur le lac, insolent de beauté bleue dans son écrin de montagnes.
Très souvent, quand je le regarde, je pense à l’impératrice Elisabeth d’Autriche.
Quand elle voulait fuir la rigidité de l’étiquette de la Cour, elle s’échappait.
Elle a effectué plusieurs séjours sur les bords du Léman, entre 1893 et 1898.
Elle descendait dans les palaces de Montreux, Territet et Caux avec sa suite.
L’air de la Suisse était favorable à cette femme indomptable, souffrant de tuberculose.
Elle était toujours vêtue de noir, disent les textes qui en parlent.
Plutôt que de se perdre dans la foule des quais, elle préférait se réfugier en montagnes, faisait des excursions aux Rochers-de-Naye, Caux, Bex ou les Avants.
C’est d’ailleurs à Genève, le 10 septembre 1898, qu’elle a été assassinée par un anarchiste italien alors qu’elle s’apprêtait à monter sur le bateau qui devait la ramener à Montreux.
Ce lac a été admiré, aimé, célébré par des générations de gens, célèbres ou non, qui en sont tombés amoureux.
Les hommes passent, lui reste là , immuable.
Aujourd’hui, fragile, c’est moi qui pose les yeux sur lui.
Pour ceux qui l’ignoreraient, le Léman est très grand.
72,8 km, ce n’est pas rien…
Cette masse d’eau est un ancrage à peine mouvant.
J’ai un décor de carte postale devant ma fenêtre.
Mais je n’arrive pas à me dire que je suis chez moi.
D’ailleurs… qui est vraiment chez lui?
Martine Bernier