Il est l’un des animaux les plus mythiques, les plus fascinants qui soient…
De là à vivre avec un loup, il y une marge.
Avec une meute, plus encore.
Ce point de vue n’a pas arrêté Paul Pondella et Colette Duval, aux Etats-Unis, qui ont adopté une première femelle hybride loup-chien il y a quelques années.
L’expérience leur a tellement plu qu’ils ont depuis recueilli d’autres spécimens jusqu’à en avoir une dizaine.
Le couple cherche aujourd’hui un ranch pour s’installer avec leurs protégés dont ils précisent qu’ils restent des animaux sauvages et craintifs même s’ils affichent une douceur apparente.
L’histoire m’a rappelé un reportage que j’avais réalisé il y a deux ans, sur une dame possédant un animal extrêmement rare: un loup de Tchécoslovaquie.
Il était très impressionnant: les spécimens de cette race hybride obtenue par le croisement d’un berger allemand et d’un loup des Carpates, tiennent nettement plus du loup que du chien par leur physique et leur démarche.
Nous les avions rencontrés sur les bords du lac Léman.
Les passants s’approchaient de l’animal, allant jusqu’à la caresser.
Mais dès qu’ils s’enquéraient de la race, ils avaient un geste de recul.
La propriétaire de ce très bel animal m’avait expliqué, elle qui est monitrice en éducation canine, qu’il est formellement déconseillé d’adopter un tel animal si l’on ne possède pas de sérieuses compétences en matière d’éducation.
Pourquoi?
« Parce que les trois premières années, ils vivront un véritable enfer. Ce sont des chiens extrêmement têtus, tenaces. Comme les loups, certains sont craintifs. Mais même s’ils ont une grosse peur, ils passeront outre pour atteindre ce qu’ils convoitent. Il faut s’en occuper constamment, les prendre avec soi partout pour les sociabiliser au mieux. Leur éducation est un travail constant, quotidien. Bounty n’est pas un chien agressif. Mais elle est sauvage dans ses mouvements. Elle est aussi très curieuse. Il m’a fallu deux ans pour lui apprendre à ne pas prendre tout ce qui l’intéresse sur les tables, à ne pas fouiller les sacs, etc. »
Parmi les animaux que j’ai pu approcher, et Dieu sait s’ils sont nombreux, Bounty est l’un de ceux m’ont le plus marquée.
Croiser son regard est un moment très fort.
Sa maîtresse m’avait dit d’éviter de la regarder dans les yeux: sa louve aurait considéré cela comme une agression ou une provocation.
Mais elle ne cessait de m’observer et… j’ai craqué.
Ce regard…
Un regard fixe, profond, qui soutient le vôtre durant d’interminables secondes.
Un regard de loup, d’animal sauvage, qui déclenche une véritable émotion.
Le test avait semblé concluant: lorsqu’elle s’est levée peu après, elle m’avait gratifiée d’un généreux coup de langue.
C’était la première fois que je découvrais une race « en formation ».
Le loup tchèque est une race récente, créée à la fin des années 1950 par la section cynophile des gardes-frontière de Libejovice, en Bohême du Sud.
Son souhait était alors d’obtenir des sujets destinés à un travail militaire, en améliorant la résistance et les performances physiques du berger allemand en le croisant avec un loup.
Après deux ou trois générations, les chiens obtenus ont été utilisés avec succès dans l’armée.
Des privés commenceront l’élevage à leur tour, mais il faudra attendre 1994 pour que la race soit officiellement reconnue par la Fédération Cynologique Internationale.
La race est récente, et, dans deux ou trois générations, le côté sauvage du loup devrait s’être atténué au niveau du caractère, donnant des chiens plus calmes et plus faciles à éduquer.
Je ne vivrais pas avec un ou une louve.
Mais je n’oublie pas Bounty.
Martine Bernier