La valise n’a pas été rangée depuis la dernière escapade.
Nous repartons ce soir…
Et une fois de plus, Pomme me suit partout , regardant d’un air à la fois intéressé et inquiet les effets que je pose dans la valise.
Dès que je m’assieds pour travailler, elle pose ses pattes avant sur moi, s’étire et me fait un grand numéro de charme:
– Tu es inquiète, Pomme? Tu ne dois pas. Tu viens avec nous… Je préparerai tes affaires tout à l’heure.
Elle me regarde comme si elle voulait fouiller le fond des mes yeux.
– Oui, je sais: la dernière fois je t’avais dit la même chose et j’ai dû te confier. Mais entre deux, je te rappelle que j’ai eu un accident. Ce qui n’est pas mon intention aujourd’hui!
Elle fonce chercher un de ses jouets et me le ramène, triomphante:
– Tu veux prendre ton mouton avec toi? D’accord. Je le mettrai dans ton sac. Tu me laisses travailler, maintenant? Je dois finir un texte et nous avons une visite pour l’appartement dans une heure…
Je sais bien que j’interprète ses gestes.. mais mon Mogwaï m’amuse.
Elle disparaît de ma vue et revient, quelques secondes plus tard, tirant derrière elle son énorme et indéfinissable bestiole en peluche, croisement improbable entre un dindon, un canard et une poule.
En moins de trois minutes, tous les jouets ou presque défilent dans mon bureau.
Elle joue, les lance en l’air, les rattrape, les sème dans toute la maison.
Je soupire.
L’entorse, la grippe et ses joyeusetés, la visite de l’appartement et l’invasion des jouets…
Vivement ce soir… la paix, l’harmonie, la sérénité, la…
Pomme en a décidé autrement.
Elle me fait reprendre pied dans la réalité en tirant sèchement la manche de mon pull.
– Hé! Sauvage! Arrête. Tiens, prend ton os et va dans ton panier.
Elle me regarde d’un air exaspéré, file sous mon bureau et commence à gratter furieusement une boîte de documents qui s’y trouve.
– Pomme! Arrête! File dans ton panier!
Une truffe hirsute émerge du bureau, un regard noir et diablement malicieux me regarde avant qu’elle ne se retourne et se réattèle à son chantier.
Je ne vois plus qu’une queue , un amas de poils noirs qui s’agitent contre ma pauvre boîte.
– Non mais! C’est de la rébellion! Allez, sors de là!
Je la prends, et l’envoie dans son panier.
Pomme est adolescente… je dirais même en pleine crise d’adolescence!
Ce n’est plus de la rébellion, non.
C’est la fronde.
Elle se secoue dans tous les sens, attrape ma main pour m’entraîner avec elle, tire sur mon pull, aboie, est excitée comme une puce.
Cette fois, c’en est trop.
Elle a beau se tortiller, histoire de la calmer, je l’enferme dans la cuisine.
Derrière la paroi vitrée, elle me contemple, outrée de ma réaction.
Il faut dix bonnes minutes pour qu’elle se décide à se calmer.
Quand elle est revenue à la raison, je vais lui ouvrir la porte en m’efforçant d’adopter une voix ferme.
– Bon, c’est fini?
Penaude, elle passe devant moi, saute dans son panier et croise ses pattes avant, pendouillantes, hors du coussin tout en me fixant du regard.
A un an et 3 mois, elle est adulte, a un caractère tendre, mais affirmé.
Tout ce qu’elle n’ose pas faire face à Celui qui m’accompagne, dont la carrure et la présence semblent l’avoir convaincue qu’il est le mâle dominant de notre meute, elle tente de le réaliser lorsque je suis seule avec elle.
Je me réinstalle dans mon bureau pour travailler… lorsque qu’un jouet se pose à côté de moi et qu’une langue rose vient timidement me lécher la main.
En trois secondes, elle redevient le plus doux des Mogwaï…
Martine Bernier