Hier soir, profitant que nous ramenions mon fils cadet à Evian après son ultime jour de service militaire, nous avons décidé de poursuivre la route jusqu’à Thonon pour y faire quelques courses.
Alors que Celui qui m’accompagne était à la caisse, je me suis échappée pour aller chercher des magazines.
Dans le hall, devant le kiosque à journaux, avaient été installés des orgues électriques et des claviers proposés à la vente.
J’ai vu arriver un jeune homme d’une vingtaine d’années, très sérieux.
Il est passé méthodiquement d’un instrument à l’autre, plaquant à chaque fois un accord léger sur les claviers.
Lorsqu’il les a tous essayés, il est revenu au premier, s’est installé sur le tabouret, a enclenché la sourdine et a commencé à jouer.
Il jouait…
Il jouait même bien.
Tout seul, dans sa bulle, sans regarder personne, il suivait le fil de sa musique.
Il ne semblait pas voir les mères exaspérées qui houspillaient leurs enfants, les couples pressés, les caddies croulant sous les emplettes.
J’ai été chercher mes journaux.
Lorsque je suis sortie, il jouait toujours.
Son image et sa musique me poursuivaient encore dans la voiture.
Sur la route qui longeait le lac Léman, le jour déclinait.
Et, tout à coup, mon regard a été attiré par une barque à moteur qui traçait son sillon dans l’eau, revenant à l’embarcadère.
Elle était illuminée par un rayon du soleil couchant.
Le lac était désert, uniquement fréquenté par les oiseaux d’eau qui en sont les locataires à l’année.
La lumière était parfaite, et la scène tellement belle et paisible que je l’ai montrée à Celui qui m’accompagne.
Cette douceur nous a accompagnés sur des kilomètres.
Des artistes auraient sans doute croqué ces deux moments de vie.
Je me suis contentée de les savourer…
Martine Bernier