Soirée électorale oblige, j’ai passé la mienne devant la télévision, à suivre les résultats du premier tour des élections à la présidentielle, en France.
J’ai été épatée de voir que, par moments, comme c’est devenu le cas depuis quelques années, la soirée a parfois des allures de vaudeville.
Je m’explique.
Il n’est pas 20 heures.
Tout le monde attend les résultats, ou du moins fait semblant de ne pas les connaître.
Sur France 2, de jeunes journalistes ont été postés dans les QG des candidats.
Comme il faut bien meubler, leurs collègues plus chevronnés, qui tiennent le plateau central, les consultent pour voir ce qui se passe dans chaque groupe.
Au début, c’est légitime.
Des images, les cris de joie et d’encouragement des troupes, les drapeaux… cela donne le pouls de l’ambiance.
Le temps passe, il faut encore meubler.
Donc, on y retourne.
Au bout de cinq ou six fois, rien ne peut être dit qui n’a pas déjà été relevé.
Ca devient lourd, lassant.
Mais c’est du direct, ça plaît.
Dans le QG de François Hollande, nous assistons au scoop du siècle: un jeune journaliste a l’autorisation de passer dans le bureau du Grand Sachem Socialiste, et de filmer durant trente secondes.
On y voit le staff réduit à son strict minimum, François Hollande consulter ses notes d’un air impassible.
A France 2, les présentateurs sont très fiers de l’exploit de leur petit collègue.
C’est la première fois qu’un candidat se laisse filmer dans ce moment fatidique.
Cela n’a strictement rien apporté au schmilblick, mais bravo!
Un peu plus tard, alors que les résultats sont tombés, Nicolas Sarkozy quitte l’Elysée dans sa voiture de candidat.
Tout excité, un autre jeune journaliste, bien décidé à laisser lui aussi sa trace dans le vaste monde des médias, enfourche une moto avec son pilote et son micro, et tente de s’approcher de la voiture en posant des questions à… une fenêtre aux vitres fumées, close.
Dans une tentative désespérée, Tintin profite des feux rouges pour descendre de la moto, courir vers la vitre et retenter sa chance.
Il faut faire mieux que les collègues, se faire remarquer.
Imaginer ne fut-ce qu’un seul instant que Nicolas Sarkozy allait baisser sa vite et répondre en une seconde et demi dans un moment pareil était une utopie grandiose.
La scène virait au ridicule.
C’en était déprimant…
Viennent ensuite les réactions des hommes et des femmes politiques de tout bord.
Les uns sont contents et fustigent le travail des précédents, pointant leur défaite, les autres relativisent, se disent satisfaits d’un résultat annoncé catastrophique dans les sondages, mettent en doute les capacités du clan d’en face à gouverner.
Histoire de remettre un peu d’ambiance, Gilbert Collard, l’avocat membre du Front National feint une énorme indignation parce les lois du direct ne le laissent pas parler tout son saoul.
« Il va falloir nous laisser parler, désormais! »
En éteignant la télévision, j’ai eu le sentiment d’avoir assisté à une soirée spectacle, répétitive, totalement prévisible.
Elle aurait pu s’appeler « Le Grand Rien ».
Et pourtant, l’enjeu est on ne peut plus important pour tous ceux qui espèrent un mieux à chaque élection.
La question étant: le « mieux » est-il possible?
Martine Bernier