En principe, je réponds par message privé aux courriers qui me sont envoyés par l’intermédiaire d’Ecriplume.
Cette fois, ils sont trop nombreux pour que je puisse le faire.
Comme la plupart portent sur le même sujet je vais donc simplement y consacré un petit texte qui, je l’espère, répondra aux questions posées.
Oui, c’est vrai, depuis bientôt trois ans, je fréquente beaucoup les hôpitaux, cliniques, salles d’opération, laboratoires et autres cabinets de médecins.
Comme beaucoup d’entre nous.
Et je peux comprendre ceux qui craignent le milieu médical ou qui appréhendent une opération.
C’était mon cas.
J’avais une sainte horreur des hôpitaux, mise en condition par la puissante odeur d’éther qui y régnait, à l’époque, et qui me révulsait.
Aujourd’hui, ce désagréable parfum a totalement disparu, et les hôpitaux me sont devenus familiers.
Je n’ai aucune envie d’évoquer ma santé dont je m’accommode.
L’expérience de l’hôpital peut, en revanche être utile à d’autres.
Donc, pourquoi pas.
Depuis le début de mes soucis, j’ai en tête une évidence qui ne me quitte jamais: j’ai la chance formidable de vivre dans un pays où je peux être soignée dans des conditions exceptionnelles.
Ce n’est pas donné à tout le monde, malheureusement.
Une fois cette donnée bien intégrée, tout le reste est cadeau.
Au risque de me répéter, j’ai toujours pensé que les métiers de la santé figurent parmi les professions essentielles à la vie de la communauté.
J’admire celles et ceux qui les pratiquent, à tous les niveaux, et leur univers me captive.
Ma peur de l’hôpital s’est envolée dès que j’ai compris que ce n’était pas un « autre monde », mais un prolongement du monde, peuplé d’hommes et de femmes qui mettent tout en oeuvre pour nous aider.
A partir de là, j’ai décidé de réagir comme je le fais dans la vie de tous les jours.
J’aime écouter les autres me parler d’eux, de leur vie, de leurs passions, de leurs espoirs, de leurs tristesses.
Je fais la même chose lorsque je rentre dans la peau de la patiente.
Dès que l’on s’intéresse à la personne qui se trouve en fasse de nous, et que nous sortons de la position de celle ou de celui qui est là uniquement pour recevoir, la situation se rééquilibre, les liens se tissent.
Vendredi, lors de l’intervention, j’ai une nouvelle fois été impressionnée et touchée par la personnalité de celles et ceux qui m’ont entourée et soignée.
L’équipe de la salle de réveil où les patients sont préparés pour les opérations, me touche à chaque fois.
Ils savent que je suis difficile à piquer et me délèguent toujours le plus doué d’entre eux pour m’installer la perfusion dans la main droite, toujours au même endroit, le seul qui fonctionne, en intervenant avec une douceur infinie.
La pièce centrale de mon parcours hospitalier reste mon chirurgien, cet homme jeune, hypercompétent, qui pourrait être inaccessible, mené par un agenda surchargé, mais qui est un personnage d’une bonté marquante, qui réserve du temps pour chacun de ses patients.
Nous avons parlé pus longuement, dans la salle de réveil, et cet échange, qui va bien au-delà d’un classique dialogue médecin-malade, m’a confortée dans mon impression d’avoir beaucoup de chance.
Au cours de l’anesthésie, un médecin et une infirmière spécialisée totalement à l’écoute, m’ont offert une anesthésie « sur mesure », avec une gentillesse de tous les instants.
Une anesthésie savamment dosée qui, sans être ni une péridurale ni une anesthésie locale, m’a permis de rester totalement consciente et de mettre en pratique la méditation « sur le vif », une auto-expérience assez fascinante.
Je revois le technicien spécialisé, qui est déjà intervenu quatre fois sur mon cas, et qui, avant de commencé l’intervention, me disait qu’il allait tout faire pour que ce soit la dernière… pour cette fois.
J’ai appris peu après qu’il y en aurait une autre très bientôt, mais je sais qu’il a tout mis en oeuvre pour que ce ne soit pas le cas.
Je repense au responsable de ce service, qui vient visiter tous ses patients dans les chambres, dans l’après-midi, prodiguant toujours les mêmes conseils répétés à l’infini, avec une chaleur bienfaisante.
Je parlais de la hiérarchie des métiers avec une infirmière, lorsqu’elle m’a répondu qu’elle pensait que chaque métier a son importance.
Un dialogue amusant s’est instauré entre nous, dans lequel j’ai embrayé avec un argument percutant:
– C’est vrai… Mais imaginons qu’un paquebot s’échoue sur une île parfaitement déserte. Avouez que votre métier sera beaucoup plus vital que le mien et que bien d’autres.
Elle a réfléchi, puis a dit:
– Je soignerais les gens blessés. Mais vous… vous écririez notre histoire pour rappeler au monde que nous avons existé.
Comment voulez-vous que je ne sois pas sous le charme de ce monde passionnant?
De retour dans la chambre, j’ai retrouvé mon Capitaine, tendre et attentif.
Devoir retourner revivre la même expérience dans moins de quinze jours ne me ravit pas, évidemment.
Mais je sais qu’elle me permettra de revenir à une situation normalisée.
Et que, là encore, je retrouverai ceux qui me permettent de guérir, et en découvrirai d’autres avec le même bonheur.
Martine Bernier