Lorsque j’étais enfant, j’étais la seule fille d’une fratrie de trois.
J’étais l’enfant du milieu.
Ce qui m’a valu mon lot d’injustices que je trouvais inacceptables.
À l’heure de la vaisselle, ma mère disait systématiquement:
– Les deux plus grands, venez aider à la vaisselle!
Quelques fois, cela variait en: « les deux plus petits » ou « je veux une fille et un garçon pour la vaisselle ».
Je crois ne jamais l’avoir entendu réclamer l’aide des deux garçons.
Bref, quel que soit le package, j’étais embrigadée.
Un jour, après un repas de famille élargi, j’ai une fois encore été réquisitionnée avec toutes les femmes présentes.
Je devais avoir 8 ou 9 ans.
Et ce jour-là, catastrophe… j’ai laissé tomber un verre en cristal qui s’est fracassé sur le sol en mille morceaux.
Devant la colère de ma mère, sa cousine a soupiré et a dit: « C’est normal, quand elles arrivent à cet âge-là, elles deviennent maladroites. »
Et maman m’a lancé un regard noir assorti d’un avertissement sec:
– Si tu es aussi maladroite, tu ne pourras même plus m’aider à la vaisselle!
Tilt!
À dater de ce jour, je me suis taillé une solide réputation de brise-fer au sein de la famille.
Les verres et les assiettes tremblaient à mon approche.
J’ai été exemptée de service plonge.
Jusqu’au jour où j’ai eu une grosse frayeur.
Mon père, me voyant revenir de la cuisine où j’avais fort aimablement proposé mes services pour essuyer la vaisselle, offre déclinée avec empressement, m’a attrapée et m’a murmuré à l’oreille:
– Mais au fait… les casseroles, elles… elles ne cassent pas!
Je lui ai lancé un regard qui devait être assez affolé.
Il a éclaté de rire, et n’a pas donné suite à son idée perfide…
Martine Bernier