Je devais avoir douze ou treize ans lorsque l’une de mes amies m’a proposé de les accompagner, ses parents et elle, à un concert de John Littleton.
Je connaissais bien ce chanteur qui était un formidable interprète de gospels.
La salle était pleine à craquer et le rideau ne se levait toujours pas.
Le public s’impatientait lorsque l’organisateur est venu annoncer au micro que nous aurions un peu de retard en raison d’un événement important: le Prince Albert (aujourd’hui devenu roi) et sa femme, la princesse Paola, étaient attendus d’un moment à l’autre.
Le père de mon amie, un petit homme gentil mais nerveux, a commencé à détailler haut et fort son opinion sur la monarchie qu’il trouvait inutile, mal élevée, désuète, etc etc.
Je l’écoutais avec attention, le trouvant plutôt courageux ou inconscient de tenir de tels propos sans savoir ce que pensaient les gens autour de lui.
Il a disserté ainsi pendant dix bonnes minutes lorsqu’un mouvement s’est fait dans le fond de la salle.
Les gens se levaient de partout et applaudissaient pour accueillir le couple princier.
La salle était en effervescence.
Je me suis retournée vers le père de mon amie et là…
Au lieu de voir son visage comme prévu, je me suis retrouvée face à… une paire de jambes.
Il s’était mis debout sur sa chaise pour mieux voir, et applaudissait à tout rompre.
J’ai compris ce jour-là que l’être humain était très paradoxal.
Je garde peu de souvenirs du concert, si ce n’est que John Littleton m’avait enchantée.
Mais quelle leçon!
Entre ce que l’on dit, l’image que l’on veut donner et ce que l’on est vraiment, il y a un monde chez certains…
Un grand soir, instructif au possible!
Martine Bernier