Il m’arrive de penser que, pour l’Homme, la Femme est parfois une sorte d’extra-terrestre.
Comprendre sa façon de se comporter, le fonctionnement de son esprit et le comment et le pourquoi de ses réactions relève d’un mystère qu’Il ne semble pas près de percer.
Mon Capitaine ne fait pas exception à la règle, même s’il est doué d’une sensibilité qui lui fait ressentir certains de mes sentiments avant que j’aie eu besoin de les exprimer.
Hier, j’entre dans son bureau.
Penché sur son ordinateur, il était très absorbé.
Je m’assieds à côté de lui et commence:
– Je voudrais que tu me donnes ton avis…
Aïe.
Il a commencé par faire celui qui n’entendait pas trop.
Puis il m’a jeté un coup d’oeil faussement distrait.
Au fond de ses yeux commençait à se lire une lueur bien connue que je traduis pas: « Attention, danger à l’horizon! ».
– Mmmm?
– J’ai changé de fond de teint. Qu’en penses-tu?
Le regard est devenu inquiet.
Changé de fond de teint?
Mais qu’est-ce que c’est que cette question épouvantable?
Un piège?
Une mise à l’épreuve?
Un test diabolique?
Il a posé un regard prudent sur l’objet du délit: mon visage.
Après avoir mûrement réfléchi, il a remarqué:
– Je dirais que c’est… plus mat.
Et là, j’ai vu passer dans ses yeux une foule de sentiments.
Cela allait de: « Ai-je bien répondu? » à « Ai-je déclenché un séisme? »
J’ai eu pitié.
Poser une telle question à un militaire de carrière dont les préoccupations étaient bien loin de ce genre de futilité… c’est de la folie pure.
Je l’ai délivré de sa torture:
– Oui, si tu veux. Je le préfère à l’autre. Et toi?
Il a acquiescé avec empressement, trop content de s’être débarrassé du problème à si bon compte.
J’avais laissé traîné à son intention une petite pile de vieilles photos retrouvées lors d’un rangement.
Il existe très peu de photos de moi, qui fuit les objectifs.
Là, on m’y voit avec 25 ans de moins, avec quelques-unes de mes élèves, du temps où je leur apprenais la guitare, et avec Ben, le merveilleux chien qui était mon ombre à l’époque.
D’autres photos montrent mes fils, hauts comme trois pommes.
Un peu plus tard dans la journée, je me suis souvenue de ces photos:
– Oh, j’ai oublié de te dire: j’ai retrouvé des photos que je voulais te montrer…
– Oui, je les ai vues.
– Ah bon? Et?
Il m’a regardée et, très sérieusement, m’a dit:
– Si je t’avais rencontrée à cette époque, je serais aussi tombé très amoureux.
Comme quoi… les meilleures réponses sont celles qui répondent aux questions que l’on n’a pas posées.
Martine Bernier