Aujourd’hui est un jour particulier: mon amie, la Dame de Chiboz, fête son anniversaire.
J’ai de la chance… beaucoup de chance.
La rencontrer à une période de ma vie où je revenais de tout, où j’avais accumulé certaines blessures dont je sais que l’on ne guérit jamais, m’avait rendue méfiante.
Mon Capitaine commençait à me réapprendre la confiance, jour après jour, lorsque cette femme extraordinaire est entrée dans nos vies.
Je me souviens encore de ce jour.
J’étais montée à Chiboz, que je ne connaissais pas, pour prendre des renseignements sur le restaurant familial.
Renseignements qui devaient figurer dans le guide sur lequel j’ai la chance de travailler régulièrement*.
J’ai d’abord rencontré Emilie, sa fille, qui a répondu à mes questions et m’a parlé de l’histoire de cette maison dont je percevais l’âme avec une intensité étonnante.
Plusieurs fois dans la conversation elle m’a parlé de sa maman, me disant qu’il fallait vraiment que je la rencontre.
Mais elle était absente à ce moment-là.
Ce n’est qu’à la fin de ma visite qu’elle est arrivée.
Nous avons échangé quelques mots et j’ai immédiatement été interpellée.
A tel point que je lui ai demandé un peu plus tard si elle serait d’accord que je consacre un article à son parcours de vie, à l’histoire de sa famille.
Elle a accepté et je suis remontée un jour d’automne, avec mon Capitaine cette fois.
Je voulais qu’il comprenne pourquoi j’étais aussi touchée.
Nous nous sommes installés à la table de la cuisine privée de Chiboz, près du grand âtre.
Et là, nous l’avons écoutée…
Elle parlait de sa voix posée, tranquille, avec ce délicieux petit accent canadien qui est le sien.
La Dame de Chiboz a un don inné de conteuse.
Elle nous a parlé de l’histoire de ses aïeux, de l’enfance tragique de son père, des destins de chaque membre de cette famille à laquelle elle est très attachée.
Elle nous a raconté son parcours étonnant d’enfant émigrée de Sicile en Belgique, puis de Belgique au Québec.
Elle est revenue sur son arrivée en Suisse, alors qu’elle était jeune infirmière acceptant une place en Valais.
Puis a parlé de celui qui est devenu son mari, de cette famille qui l’a accueillie et qu’elle a aimé comme la sienne, de cette région dont elle a étudié l’histoire, pour laquelle est s’est investie.
Nous sommes restés plusieurs heures là, à l’écouter…
Fascinés…
C’est à ce moment-là que Yolande est réellement entrée dans ma vie.
Depuis, nous n’avons plus arrêté de nous écrire, de nous parler, célébrant comme une fête chacun des moments passés ensemble.
Je l’appelle « La Dame de Chiboz » car il y a en elle une noblesse et une bonté telles que je n’avais jamais rencontrées auparavant.
Elle n’impose rien, a un sens des valeurs identique au mien, est d’une générosité et d’une sensibilité qui la rendent précieuse à tous ceux qui l’approchent.
Elle nous a ouvert les portes de son univers, et nous nous sommes très vite attachés à elle, puis à son mari, dont la sagesse et la culture forcent le respect et la tendresse.
Le savoir également… car Michel ne se contente pas de la culture livresque…
Il a expérimenté toutes les facettes de la vie dans et avec la nature et est devenu un puits de science au fil des ans.
Nous avons découvert leurs trois filles, leurs beaux-fils et leurs petits-enfants, leurs proches, une famille remplie d’amour et de malice.
Avec le temps, nous avons emmenés nos amis, nos familles à Chiboz et tous ceux qui y montent tombent sous le charme des lieux et des habitants.
Aujourd’hui, comme souvent le matin, j’ai écrit à la Dame de Chiboz.
Je lui ai dit merci pour ce cadeau qu’elle me fait en étant dans ma vie avec cette sagesse discrète dont elle ne se vante pas.
Elle n’est pas une donneuse de leçon, ne se prend pas pour un gourou ou pour une élue.
Elle est là, tout simplement.
Mais dès qu’elle ouvre la bouche pour parler, ce sont des mots de sagesse qui nous parviennent.
Il y a des êtres ainsi… bienfaisants.
Heureux anniversaire à elle…
Martine Bernier
* Le Guide des Buvettes et Auberges d’alpage de Suisse romande » de Terre et Nature