Je suis restée très marquée par la première interview que j’avais faite du docteur Daniel Dufour à la sortie de son livre « Rebondir », voici quelques années.
Livre qui avait beaucoup compté pour moi.
Il était donc normal que je re sollicite ce médecin genevois à l’approche humaniste pour la sortie de son ouvrage « »Le tumulte amoureux ».
Voici l’interview parue dans le Journal de l’Entraide Familiale (numéro de mars 2015).
Dans son dernier ouvrage « Le tumulte amoureux », le docteur Daniel Dufour explore la souffrance de l’adulte abandonnique portant en lui la conviction qu’il ne mérite pas d’être aimé.
Une particularité qui peut devenir source d’échecs sentimentaux… mais dont il est possible de se libérer.
Dans son cabinet genevois, ce médecin humaniste doit refuser des patients, mais transmet à travers ses livres sa vision responsabilisante et empathique de la médecine.
– Vous expliquez que les personnes souffrant d’abandonnite ne sont pas uniquement celles qui ont été abandonnées par leurs parents, mais aussi toutes celles qui ne se sentent pas aimées pour ce qu’elles sont. Ne sommes-nous pas tous plus ou moins concernés?
Je pense que beaucoup d’entre nous se sentent concernés, oui… Et cette blessure peut être à l’origine de toute sorte de comportements dus au fait que la personne n’a pas pu exprimer ces émotions qui conditionnent ensuite sa vie en général et sa vie de couple en particulier.
– Dans votre livre, vous parlez de notre mental qui serait notre pire ennemi, alors qu’il est l’allié de l’enfant en détresse… Oui. Le mental tel que je le définis nous coupe du moment présent, de la reconnaissance de nos émotions, de notre « savoir aimer ». Il est utile dans l’enfance afin de protéger l’enfant qui met alors en place des protections lui permettant d’échapper au problème. Il imagine un futur idyllique, un monde différent. Mais cela entraîne des conséquences d’anxiété et de peur de l’abandon, de culpabilité parce que l’on se dit que l’on a été rejeté parce que l’on n’est pas digne d’être aimé, la dévalorisation, etc. Chez l’adulte, le mental vous pousse à ne plus être dans le présent. Prenons un exemple. Vous décidez de partir en voyage à Honolulu. Vous préparez votre voyage, réservez vos billets, votre hôtel, vous vous documentez sur l’endroit: là, vous êtes dans la construction de votre projet, dans le moment présent. Si vous commencez à vous dire que l’avion risque de tomber, que vous serez peut-être malade, le mental a pris possession de vous et vous êtes dans un futur hypothétique.
– Donc, vous préconisez d’éteindre le mental?
Exactement. En portant son attention à son corps physique et sensoriel. Je propose pour cela des exercices qui existent depuis la nuit des temps. Personne n’arrive à éteindre son mental complètement, mais plus on s’y entraîne et plus on arrive à vivre l’instant. Je suis là et maintenant. – Comment guérir d’une blessure d’abandon? Cela demande du temps. Il s’agit de perdre les réflexes acquis dans l’enfance. La personne se déverrouille et s’ouvre petit à petit à elle-même en se confrontant à ses émotions.
– Ce qui peut provoquer des bouleversements au sein du couple…
C’est vrai. Une personne qui décide de se respecter, désormais, de ne plus accepter certains comportements et de modifier les siens, cela peut être perturbant et marquer la fin d’une histoire.
– Vous êtes chirurgien orthopédique et vous avez longtemps travaillé en Rhodésie, au CICR, dans des zones de guerre, puis au Cambodge où vous avez soigné des lépreux. Comment en êtes-vous venu à devenir ce médecin du corps et de l’âme que vous êtes aujourd’hui?
Ce sont mes patients qui m’ont appris beaucoup de ce que je sais. Je les renvoie à leurs problèmes et je les accompagne dans leur cheminement.
– Pensez-vous toujours que toutes les maladies, sans exception, peuvent être soignées par une prise de conscience?
Bien sûr. Je prescris très peu de médicaments. L’état de santé de mes patients s’améliore s’ils désirent aller mieux Ils ont en eux la possibilité de guérir en éteignant leur mental. Il faut accepter que l’on est responsable de ce qui nous arrive, en bien comme en mal. Il fau rire, pleurer, vivre le moment présent. Dans chacun de nos maux, il y a, en amont, des émotions à regarder en face.
Martine Bernier
« Le tumulte amoureux », Dr. Daniel Dufour, Les Éditions de L’Homme.
1 réflexion sur “Soigner la souffrance de l’abandon”
je le pense mais parfois la mdecine traditionnelle est impérative