Chaque année, à la même période de l’année, je me fais la même réflexion: comment se fait-il que les pages des agendas des mois de novembre et de décembre sont aussi remplies?
Comme si, une fois encore, tout le monde était pris par une frénésie qui débute en novembre et qui s’accentue encore en décembre.
Il faut avoir terminé un maximum de choses avant la fin de l’année, avoir pris de l’avance avant les fêtes, honorer une multitude de rendez-vous et d’échéances de toutes sortes.
Donc… je fais comme tout le monde: je cours.
Aujourd’hui encore, je me glisse à nouveau dans la peau du Lapin d’Alice.
Ce constat me fait penser à une rencontre fugitive.
Dimanche, à la Fondation Gianadda, alors que la présentation du livre dont je parlais hier allait débuter quelques secondes plus tard, une très jeune femme m’a abordée tandis que je feuilletais l’ouvrage en question.
Elle s’est adressée à moi d’une voix très stressée:
– Vous avez déjà le livre? Je ne l’ai pas reçu. Je peux le prendre en photo? Je ne sais pas où il y en a. C’est pour le Nouvelliste.
Je lui ai montré l’intérieur de l’Arsenal:
– Vous savez, il y en a plusieurs à l’intérieur à la petite librairie…
Sa photo serait prise dans de meilleures conditions si elle pouvait ne pas être faite à la va-vite sur un coin de table…
Elle a répondu, toujours sous pression:
– Ah, merci, je n’avais pas vu! J’ai travaillé tout le week-end, je n’en peux plus.
J’avais devant moi une jeune collègue qui en était au début de son parcours journalistique et qui faisait ce que j’ai fait pendant de longues années, comme la plupart des journalistes: assumer les piquets du week-end.
C’est vrai que c’est parfois stressant… je me souviens de mon brillant record de 14 articles en deux jours, pour lesquels je m’étais à chaque fois déplacée.
Ce sont des journées longues, chargées, et des moments d’écriture qui se prolongent dans la nuit.
J’ai aimé le faire lorsque j’étais plus jeune.
C’était d’une richesse folle: je rencontrais beaucoup de monde, de tous les milieux, découvrais une multitude d’univers.
Et j’ai toujours considéré que j’avais une chance fantastique de faire ce métier passionnant.
Dimanche, je regardais le visage de cette jeune femme fatiguée.
Il n’y avait rien à lui dire…
C’est son apprentissage, son chemin.
Je me suis dit que j’espérais qu’elle réalisait la chance qu’elle avait d’être là, et de faire ce qu’elle faisait.
Sans doute le comprendra-t-elle plus tard, quand elle ne sera plus sous tension.
J’ai une chance folle de ne plus travailler pour un quotidien.
Le rythme est aujourd’hui différent et me permet d’approfondir mes sujets.
Je considère comme un cadeau le fait que l’on me permette de traiter de thèmes que j’aime
Aujourd’hui, je vais courir.
Mais durant le reste de la semaine, alors que je vais écrire une série d’articles très différents les uns des autres… je vais me régaler.
Quel beau métier…
Martine Bernier