Bien que je sois plutôt maladroite, il est assez rare que je casse quelque chose.
Comme quoi, les anges gardiens existent.
Autant dire que l’épisode d’hier soir est inhabituel et marquera nos mémoires!
Il était passé 21 heures.
Mon Capitaine rangeait quelque chose dans la cuisine lorsque j’ai eu pour lui un grand élan de tendresse.
Mais au moment où j’ai amorcé mon étreinte, je n’ai pas réalisé que, lui, de son côté, amorçait au même instant un autre geste: celui d’ouvrir l’armoire à vaisselle.
Et comme les mini catastrophes sont bien souvent une suite de petites anomalies, il semblerait que je n’aie pas rangé correctement une série de bols.
Résultat des courses: une magnifique et spectaculaire chute de six bols blancs.
Voilà, voilà.
C’était assez surréaliste…
J’ai vécu la scène fracassante comme si je me trouvais à l’extérieur de l’histoire.
Puis j’ai vu mon Capitaine prendre un morceau de bol et me lancer un regard légèrement noir.
J’ai demandé:
– Heu… il y a combien de survivants?
– Aucun!
Il m’a montré sa main: il avait une écorchure au poignet.
– Mais! Comment as-tu fait cela? Je vais te soigner!
– Ah non!!!
Ah oui… quand même!
Six bols en une fois, et un Capitaine blessé, c’est un record!
Nous avons ramassé pieusement les morceaux, remis la cuisine en état et nous sommes retournés au salon.
Et comme à chaque fois qu’un événement de ce genre intervient, j’ai senti le rire grelotter en moi.
– Finalement, ça tombe assez bien: ce serait chic d’acheter des bols de couleur!
– Jamais!!!
– Bon, bon, ça va… de toute façon, j’en ai déjà mis six autres à la place. Ceux qui se trouvaient dans le placard… C’est bien: nous avons fait de la place!
Il m’a menacée du doigt, d’un air faussement sévère:
– Toi, fais attention!! Tu as cassé MES bols! Et en plus, tu m’as blessé!
Bien plus tard dans la soirée, au moment de l’extinction des feux, j’ai soufflé:
– Tu es fâché?
– Non…
– Tu sais, ce serait pourtant joli des bols de toutes les couleurs. Avec des pois blancs!
Il me semble qu’il a poussé un profond soupir…
PS: Ce matin, je réalise qu’il y a bel et bien une entaille sur le poignet de mon Capitaine.
Pas énorme, mais présente.
Son regard faussement pitoyable me serre le coeur
– Oh… tu as vraiment été blessé… je suis désolée…
– Ben oui! J’ai la main qui pend au bout de mon bras… je ne sais même pas si elle va tenir!
Martine Bernier
