La petite fille « sauvage »

Début avril, la presse s’est emparée d’une histoire d’une tristesse infinie, celle d’une petite fille que l’on a retrouvée en Inde, dans la jungle, au coeur de la réserve naturelle de Bahraich, non loin du Népal.
Elle vivait nue au milieu d’un groupe de singes avec lesquels elle semblait à l’aise.
Elle a aussitôt été ramenée  à notre civilisation, provoquant la colère des singes lorsque les sauveteurs l’ont emmenée.
Conduite à l’hôpital, la petite fille , que la presse a surnommée « Mowgli girl », est aujourd’hui  analysée, scrutée.
Elle semble avoir une dizaine d’années, ne s’exprime que par sons, et a adopté le comportement des singes qui, disait-on l’avaient semble-t-il élevée.
Depuis, la petite fille se trouve en institution où lui sont donnés des soins médicaux et psychiatriques.
Elle a toujours très peur des êtres humains, commence à sourire et semble comprendre ce qu’on lui dit, a expliqué le médecin qui en a la responsabilité.

Personne ne savait, au début du mois, qui elle est, ni qui sont ou étaient ses parents.
Les questions allaient bon train, et l’enfant est devenue le sujet à la mode dans son pays où chacun avançait ses suppositions.

Et puis… la nouvelle est tombée: on connait aujourd’hui son histoire.
Et elle n’a rien à voir avec celle de Kipling…
L’enfant aurait 8 ans.
Un garde-forestier a expliqué qu’elle avait été vue très peu de temps auparavant au bord d’une route, dans une zone non boisée, non loin de la frontière népalaise.
La petite fille est handicapée et ne peut pas parler… ce qui a probablement incité ses parents à l’abandonner.

Les progrès rapides qu’elle a effectués à Bahraich ont poussé les médecins à estimer qu’elle ne devait pas vivre avec les singes depuis bien longtemps, en admettant qu’ils l’avaient accueillie.
Certains affirment d’ailleurs qu’elle n’aurait pas été retrouvée parmi eux, mais près de la route.
Elle ne rampe plus mais marche, boit à l’aide d’un verre… gestes qu’elle a appris ou réappris très rapidement.

Lorsque j’ai appris pour la première fois qu’une petite fille sauvage avait été retrouvée en Inde, j’ai avancé mon hypothèse, moi aussi, au cours d’une conversation partagée avec mon Capitaine.
Dans ce pays où certaines familles n’accordent pas la même valeur aux bébés filles et aux bébés garçons, je craignais que cette enfant ait été abandonnée pour cette raison.
Ranjana Kumari, militante pour les droits des femmes, a avancé la même constatation.
Ajoutant que, pour certains, se débarrasser d’une fille vaut mieux que devoir dépenser de l’argent pour l’élever.
Et c’est, semble-t-il, ce qui est arrivé à cette jeune rescapée.
Les articles concluent en disant qu’ « en attendant qu’elle retrouve sa famille, elle a été placée dans un orphelinat. »

Je n’ai pas mis sa photo pour accompagner ce texte, même si elle circule sur Internet un peu partout.
Tout a été pris à cette petite fille, je ne voulais pas participer à lui retirer ce qui lui reste de dignité.
Et je me demande ce qui sera mieux pour elle…
Un retour chez d’hypothétiques parents qui ne voulaient pas d’elles et qui ont commis, en l’abandonnant ainsi, un acte de cruauté innommable, ou une existence dans un orphelinat,  puis, dans le meilleur des cas, dans une institution.

J’espère que ce destin qui a si mal commencé pour elle, lui réservera des surprises, belles cette fois… et que quelqu’un l’aimera…
Martine Bernier

 

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