Ce mercredi, Aurélien était de charmante humeur, en pleine forme.
Très réceptif, un rien l’amusait, et aucune de mes questions ne restait sans réponse.
Dans la soirée, son papa, assis en face de nous, me fait parvenir des photos sur mon iPhone.
Ce qui a bien sûr suscité la curiosité de son petit bout de chou de fils qui a aussitôt voulu les voir.
Au début, tout s’est passé normalement.
Il se contentait de me commenter chaque image:
– Oooooh… Douce… (Douce étant son chat, retrouvé sans vie il y a quelques jours). Tu sais, Mamitine, elle est morte. Elle est au Ciel…
Je ne veux pas revenir lourdement sur le sujet et partir dans des explications qu’il ne m’a pas demandées. Donc je poursuis:
– Oui, elle a retrouvé tous ses copains chats qui étaient déjà partis… Et là? C’est toi?
Il fait défiler les photos:
– Oui! Avec la guitare… et là c’est avec Herbie… et là…
Au bout de quelques clichés, nous tombons sur une vidéo du train à vapeur qui a voyagé exceptionnellement au Bouveret et qui a visiblement plu à Aurélien:
– Il faisait du bruit!!! Et de la fumée!!! Regarde!
Et il lance la vidéo.
Connaissant le spécimen, je savais que nous tenions là un bon sujet d’amusement.
Au moment du premier gros bruit, correspondant, comme me l’a expliqué mon Capitaine, à l’instant où le chauffeur de la locomotive envoie la pression dans le système de freins, je fais semblant de sursauter légèrement.
Ce qui a pour effet d’amuser le petit qui tente de me rassurer:
– C’est rien, tu vois, c’est une photo! Le train, il va pas te faire mal! Y va pas sortir!
Deux ans et déjà un raisonnement très censé…
– Oui, oui, je sais… c’est le bruit qui m’a effrayée, tu vois!
– Encore!
Et hop: il remet la vidéo, m’observant avec attention.
Cette fois j’accentue un peu ma soi-disante frayeur, sursautant également à d’autres éléments du petit film.
Et plus je manifeste, plus il rit!
Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois: il ne se lasse pas de me rassurer, la vidéo tourne en boucle, et il rit aux éclats comme si nous la découvrions.
Au bout d’une bonne trentaine de vues, son papa lui explique qu’il est l’heure de me montrer comment il se lave les dents.
Ce soir, ils ont apporté un gobelet avec une brosse à dent et un dentifrice, et, cerise sur le gâteau, un petit pot pour ne pas interrompre son apprentissage de la propreté.
Je file donc à la salle de bain avec mon petit complice qui me demande au passage de ne pas oublier sa chaise, une petite chaise en bois sculptée adaptée à sa taille, et sur laquelle il grimpe pour atteindre le lavabo.
– Tu vois, Mamitine, on fait comme ça!
Il détaille chacun de ses gestes, se brosse les dents, puis prend son dentifrice et m’en met une touche sur le doigt au passage.
– Goûte! C’est bon!
Un goût de bonbon qui me fait comprendre pourquoi il adore en manger même si, personnellement, je ne suis pas très fan…
De retour au salon, il décide, sur la demande de son papa, de s’installer sur son petit pot, et entreprend de m’expliquer son projet immédiat lié à l’objet en question, me détaillant le processus pour le cas où je n’aurais pas tout compris.
Je fais mine d’être très intéressée, poursuivant avec lui une conversation très décalée que je conclus en soulignant que je suis ravie de voir qu’il devient « un grand garçon », selon l’expression consacrée.
Heure du départ.
Aurélien est fatigué, il se dirige vers la porte d’entrée après nous avoir lancé un joyeux: « Au-revoir, Mamitine et Papyno! »
Il a dans la main la boule lumineuse que nous lui avons donnée.
Derrière lui, je lui dis:
– Hum… On se revoit lundi. Mais j’aimerais bien un bisou, ce soir, avant que tu ne partes!
Il hésite, me regarde et m’explique:
– Mais je viens lundi!
– Oui. Et tu me feras un bisou en arrivant, comme aujourd’hui. Mais comme aujourd’hui tu ne m’en as pas encore fait en partant, il manquera un bisou à la liste. Ce qui n’est pas juste!
Re-réflexion profonde.
Il semble ne pas avoir tout compris (moi non plus, d’ailleurs!) mais s’en remet à mes calculs.
Il trottine jusqu’à moi, m’embrasse et ajoute:
– Voilà! Comme ça, c’est juste!
Martine Bernier