Lorsque j’étais à l’école secondaire (équivalent du Collège en France), les élèves de mon « école de filles » devaient, à la fin des vacances d’été, passer chercher leurs manuels scolaires pour l’année.
Si certaines venaient de familles qui avaient les moyens de leur offrir des ouvrages neufs, les autres, dont je faisais partie, récupéraient les livres d’occasion déjà utilisés.
Lorsque les précédentes propriétaires étaient soigneuses, ils étaient impeccables.
Mais souvent, c’était loin d’être le cas: griffonnages dans les pages, livre sale, couverture abîmée… tout était possible.
En fin d’année, nous revendions nos livres et achetions les autres.
Le plus souvent, je ne m’y attachais pas.
Tomber en amour pour un recueil de math, de langue ou d’économie ne me concernait pas.
Mais, pour moi qui rêvais alors de devenir un jour professeur de français ou d’histoire, il était parfois difficile de me séparer de certains bouquins.
Pour quelques-uns d’entre eux, je n’ai pas pu résister: je les ai gardés.
Deux sont des manuels de français, trois autres des études de textes anciens et classiques et le dernier…
Aaah, le dernier…
Il s’appelait « L’Antiquité Rome et les débuts du Moyen Âge », par un collectif de trois auteurs, paru chez Casterman.
Lorsque je l’ai découvert dans mon paquet annuel, j’ai fait la grimace.
Zut… le livre d’Histoire n’avait carrément plus de tranche, sa reliure déjà bien « déglinguée » était apparente.
Il y avait quelques traits au crayon indiquant les passages qu’il ne fallait pas étudier, mais, dans l’ensemble, les pages étaient très présentables.
J’ai donc commencé à côtoyer mon nouvel ami.
Très vite, je me suis passionnée pour son contenu, au point de le lire d’un bout à l’autre, comme un roman.
Ce que j’y découvrais était captivant…
Je n’ai pas eu de prof d’Histoire marquante… mais j’ai eu ce manuel!
Mon bouquin et ses copains sont partis avec moi en Suisse, puis en France.
Ils avaient toujours une place de choix dans ma bibliothèque.
En ce moment, j’entame l’ultime partie de l’écriture de mon dernier livre, et, la nuit, je pense déjà au suivant… pour lequel mon vieil ami me sera nécessaire.
Je l’ai cherché dans toutes les étagères de la maison… sans succès.
Je commençais à désespérer lorsque, mercredi, je l’ai enfin retrouvé.
Il était sur l’un des rayonnages de mon bureau, placé juste en face de mon ordinateur en compagnie des autres rescapés de mon adolescence.
Comment ai-je pu regarder ailleurs, alors que je sais parfaitement que j’ai pour ces précieux ouvrages des attentions toutes spéciales?!
Je l’ai ouvert.
Les pages ont très légèrement jauni, les couleurs des photos sont un peu passées, mais il est toujours “bon pied, bon oeil”, avec son énorme potentiel d’informations.
J’ai pour lui une reconnaissance infinie: outre tout ce qu’il m’a appris sur l’Antiquité, c’est lui qui m’a entrouvert la porte de l’art étrusque et des mystères de cette civilisation.
Et je suis ravie d’être née à une époque où les manuels scolaires étudiaient en profondeur les sujets abordés.