« On fait quoi, maintenant? »

Samedi matin, tôt.
Comme chaque week-end lorsque mon fils et son petit bonhomme sont là, je me glisse dans mon bureau silencieusement… et je vois arriver Aurélien, 8 ans, quelques minutes à peine après que je me sois installée.
Il a soit une ouïe particulièrement fine, soit un sixième sens implacable!
Comme toujours, il vient se placer à côté de moi, face à l’écran de l’ordinateur, et le dialogue s’engage:
– Il est où, maintenant, le livre de Gaspard?
– J’ai envoyé la maquette à l’imprimeur cette semaine… il va être livré bientôt. Je pense qu’il sera sorti lorsque tu reviendras la fois prochaine.
– Chouette!

 Il regarde la pile de livres qui se trouve sur mon bureau et, sur l’écran, les prémices du nouveau bouquin que j’ai entamé, et demande:
– Et maintenant, on fait quoi?
– Et bien, j’ai commencé à travailler sur le deuxième tome des aventures de Gaspard…
– Tu écris?
– Je commence, mais, surtout, d’abord, j’étudie…
– C’est compliqué d’écrire un livre.
– Non, non… par contre, chaque fois que je parle de quelqu’un ou de quelque chose qui a vraiment existé, il faut que ce soit juste. Tu veux voir les premières images? Tu pourras me donner ton avis…

Je les lui montre et, comme toujours, il fait des réflexions très fines sur les illustrations.
Comme je sens qu’il est très impliqué, je lui propose donc de m’aider à choisir quelle sera la couleur de fond des encadrés contenant les prochaines énigmes.
– Vert!
– D’accord… mais quel vert? Il y a des quantités de nuances différentes…
– Je ne sais pas… comment on fait pour trouver la bonne?

Je me lève, sors le livre analysant 2000 références de couleurs, et je le pose devant lui: 
– On prend ceci! Ouvre-le…
En découvrant toutes ces couleurs, Aurélien est impressionné. 
Finalement, il s’arrête à un vert que nous décidons de tester.
Je lui demande, tout en me remettant au clavier:
– Donne-moi les coordonnées de la couleur. Je vais les introduire dans mon programme et nous allons découvrir le résultat.
– C’est quoi les coordonnées?
– Ce sont les chiffres qu’il y a en dessous de la teinte. Tu prends ceux de la colonne CMJN.
Très fier de ses nouvelles responsabilités, il me dicte les numéros et nous voyons apparaître un vert correct… mais qui ne me convient pas tout à fait, ce qui fait réagir mon petit-fils:
– Pourquoi tu ne l’aimes pas?
– Ce n’est pas que je ne l’aime pas, mais il est trop foncé. Quand je vais poser du texte dessus, il sera difficilement lisible.
– Alors il faut en trouver un autre?
– Pas forcément. Regarde, il y a une deuxième solution…
Et je diminue de moitié l’opacité de la couleur, comme si j’ajoutais de l’eau à une pastille d’aquarelle.
–Mamitine! Il est parfait! Tu es d’accord?
– Oui. Je continuerai mes tests dans la semaine, avec le texte, cette fois. Mais je ne te garantis pas que ce sera la couleur définitive. Au fil des pages, je peux me rendre compte que le vert ne convient pas et qu’il faudrait une couleur plus chaude… c’est le livre qui décide.
– On essaie?
Mais, avant que je ne réponde, mon fils entre à son tour dans mon bureau et le petit lui explique ce que nous venons de faire.
Il est l’heure de quitter la pièce et de retourner dans la vie quotidienne, ce qui faire dire à Aurélien:
– Ça a passé trop vite… j’aurais voulu travailler plus longtemps avec toi.

 Ces moments qui se déroulent dans le secret de mon antre sont décidément un peu magiques…