L’étrange parfum…

Depuis plus de cinquante ans, un phénomène très étrange m’accompagne, de manière imprévisible et irrégulière.
Sans que je puisse anticiper son arrivée, un parfum très particulier flotte dans l’air autour de moi, où que je sois.
Un parfum reconnaissable entre tous pour moi: celui du tabac pour la pipe que fumait mon père, décédé alors que j’avais 9 ans.
Pendant des années, je me suis dit que mon imagination était décidément délirante… jusqu’à ce que, dès les années 90, d’autres que moi le perçoivent.
La plupart du temps, il arrive sans crier gare, puissant pendant quelques secondes, puis de plus en plus faible, avant de disparaître très rapidement.
J’ai gardé le souvenir de deux de ses passages les plus tenaces: une fois dans la salle de bains de mon appartement, en Suisse, où elle semblait sortir d’un mur, lui-même imprégné de cette senteur pendant une bonne minute.
Et l’autre, qui m’a beaucoup marquée, l’an dernier.
J’étais dans la roseraie, au milieu de mes fleurs qui, toutes, dégageaient des parfums très forts, aussi délicieux les uns que les autres.
Une extraordinaire symphonie olfactive que je savourais lorsque, tout à coup, elle a été dominée par l’étrange sillage de ce tabac très spécifique.
Comme chaque fois que cela arrive, je n’ose plus bouger…
Je n’ignore pas que si je me décale, il partira plus vite…
Cela a duré à nouveau une bonne minute, puis il s’est envolé.
Cette fois encore, j’ai cherché à comprendre.
Je ne porte jamais de parfum lorsque je sais que je vais passer du temps avec mes roses.
J’ai commencé par vérifier si, en dehors du jardin, se trouvait quelqu’un qui fumait.
Mais il n’y avait personne…
J’ai reniflé toutes mes roses, une à une… ce qui m’a pris un temps fou!
Aucune n’avait une fragrance rappelant de près ou de loin celle que je venais de percevoir.
Je suis restée longtemps parmi elles…
Comme toujours, cette expérience me laisse dans un état étrange, fait d’apaisement et de questionnement.
Il peut se passer des mois, parfois des années, sans que le parfum se manifeste.
Mais il peut revenir plusieurs fois de suite sur un intervalle d’un an, quelle que soit la saison.
Mon Capitaine fait partie des très rares personnes qui l’ont perçu.
Et lui qui est très pragmatique est resté aussi perplexe que moi.
Dernièrement, il m’a confié que, tandis qu’il se trouvait dans la cuisine, il a vécu la même expérience, alors qu’il était seul.
L’odeur de tabac pour la pipe a traversé la pièce avant de s’évanouir.

Ce parfum de tabac n’est pas le seul événement olfactif étrange qui m’entoure.
Plus fréquemment, un autre parfum, qui ne ressemble à aucun de ceux que je connaisse, surgit autour de moi, que je sois dans le salon, dans la voiture ou ailleurs.
Un parfum léger, délicieux…
Il m’est impossible d’apporter des réponses claires aux questions qui surgissent inévitablement.
Mais c’est vrai que, lorsque ces parfums réapparaissent, je me sens comme… accompagnée.