Les complices

Il y a des souvenirs qui ne s’effacent pas, même sous la poussière du temps ou les fuseaux horaires les plus improbables.
Mardi matin, je suis restée un temps fou à discuter en visio avec Sylviane, mon amie d’adolescence aujourd’hui à Melbourne.
Et je précise que ce n’est absolument pas mon habitude.
A 15 ans, nous étions des guides, scouts féminines en uniforme, mais surtout deux ados en quête d’un monde à refaire entre deux nœuds de foulard et un feu de bois mal maîtrisé sur lequel nous tentions de cuire sans les brûler les saucisses destinées à la patrouille.
Mardi, nous nous sommes remémoré le dernier soir de notre dernier camp, un moment pivot teinté de mélancolie que nous n’avons pas oublié.
La nuit était tombée, et nous étions bien décidées à refaire le monde, ou du moins, à le commenter longuement, assises à l’extérieur de la tente pendant que les autres dormaient.
A la rentrée, nous devions quitter les guides pour aller aux « Horizons », la suite du mouvement, et nous voulions graver ces derniers moments dans nos mémoires.
Je ne savais pas si je continuerais… nous vivions nos derniers moments privilégiés.
Mais il n’était pas permis de rester dehors après le couvre-feu.
Nous avons dû réintégrer la tente et nous le regrettons encore.
Ce n’est pas rien, à 15 ans, de comprendre que certaines choses ne seront plus jamais pareilles.

Mardi matin, cinquante ans plus tard, nous avons parlé pendant deux heures.
Deux heures de rires, d’émotions, de souvenirs et de cette joie étrange qui surgit lorsqu’on se retrouve, différentes… mais pareilles , malgré tout ce que la vie a tenté de changer en nous.
Nos conversations me rappellent que certaines amitiés ne vieillissent pas.
Elles repartent comme un feu que l’on croyait éteint mais qui reprend vie au premier souffle.
J’ai la chance d’avoir gardé quelques amies précieuses de mes autres vies, dans les deux premiers pays où j’ai vécu.
Et si je pouvais faire un vœu pour chacun, ce serait de vivre la même chose.
Avec Sylviane, même si les années ont passé, que des océans nous séparent et que nous avons échangé nos foulards de guides pour des écharpes de Marché de Noël (quoi qu’à Melbourne, sous une chaleur de 30°, les écharpes ne sont pas exactement l’accessoire incontournable), il y a une chose qui reste immuable: nous avons toujours 15 ans, un peu plus de sagesse, un peu moins d’insouciance, mais une aptitude identique à partir dans des fous rires et des conversations sans fin!

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