Quand j’étais enfant, ma grand-mère maternelle avait un mot bien à elle pour exprimer son exaspération quand je faisais une bêtise ou que je faisais la sourde oreille : elle me traitait de « bourrique ».
Je ne connaissais pas la signification de ce mot, mais je me doutais bien que, vu le ton de la voix qui le prononçait, cela ne devait pas être un compliment.
Je portais donc cette étiquette sans savoir à quoi elle correspondait, jusqu’au jour où j’ai eu une révélation.
Nous étions en vacances, installés dans notre caravane familiale plantée au beau milieu d’un pré, chez un paysan qui nous louait un bout de terrain pour l’été.
Un matin, notre hôte arrive, tenant par la longe… un âne.
Il voulait le déplacer dans un autre champ, mais l’animal avait apparemment une autre vision de son emploi du temps.
Il s’est arrêté net devant notre caravane, planté comme une statue en plein milieu du passage.
Rien n’y faisait: il ne bougeait pas d’un sabot.
Le paysan a commencé à le pousser, le tirer, l’implorer, et finalement, à moitié amusé, il s’est mis à lui dire: « Allez, avance, bourricot, ne fais pas ta bourrique! ».
C’est à ce moment-là que la lumière s’est faite.
La fameuse « bourrique », c’était lui, ce splendide âne têtu, doux et rétif, admirable dans son refus d’obéir.
Je l’ai cajolé…
Je le comprenais tellement bien que j’ai eu l’impression que nous étions de la même famille!
J’en ai d’ailleurs eu la quasi confirmation lorsque j’ai appris qu’il s’appelait… Martin!
Franchement, être une bourrique, vu sous cet angle, ça ne me déplaisait plus du tout.