De passage dans une mercerie spécialisée, j’ai acheté voici quelques jours deux grosses pelotes d’une laine fantaisie très douce, pelucheuse et rose poudré.
J’avais dans l’idée de l’utiliser pour tricoter une écharpe à Eya, 6 ans, si elle en avait envie.
De retour de deux semaines de vacances, la jeune demoiselle nous a été confiée mercredi, comme c’est le cas tous les quinze jours.
Dans mon bureau, elle repère immédiatement les deux boules et y enfouit son visage, à grand renfort de petites exclamations ravies:
– Oh, c’est trop bien! Mamitine, donne-moi la laine!
– Non: tu ne saurais pas quoi en faire. Par contre, c’est vrai que je l’ai achetée pour toi. Si elle te plaît, je me disais que je pourrais t’en faire une écharpe.
– Oh ouiiii! Commence tout de suite!!!
J’empoigne une paire d’aiguilles et je débute l’ouvrage sous l’oeil intéressé d’Eya qui vérifie la progression toutes les trois minutes.
Mais il était évidemment hors de question que je ne fasse que cela de notre journée.
Il y avait du travail scolaire sur la planche, des jeux, des conversations, des spectacles de danse etc, etc…
– Mais tu n’arrêtes pas, surtout!!!
– Tu sais, même si je fais trois choses en même temps, je ne suis pas sûre du tout d’avoir terminé l’écharpe pour ce soir.
– Mais siiii!!!! Parce que sinon tu me la donneras quand ce sera l’été!
– Non non: tu reviens la semaine prochaine quand Aurélien et Sébastien seront là. Je te la donnerai à ce moment-là.
– Ca ne marchera pas. Tu devras jouer avec Aurélien et avec moi, et tu n’auras pas le temps de finir.
– Mais Eya… je ne vais pas attendre ce jour-là pour l’achever. Je la finirai demain.
– Alors on vient la chercher demain soir!
Pfou.
Je n’ai jamais vu un tel engouement pour une simple écharpe.
Il paraissait clair que je devais brancher le turbo pour finir l’ouvrage rapidement.
J’ai donc accéléré le rythme sous l’oeil attentif de l’exigeante petite nana.
En fin de journée, alors que sa maman nous a rejoints, il ne restait plus qu’un cinquième de la dernière boule.
– Tu as presque fini!
– Oui, mais tu ne vas pas tarder à partir. Donc il y a deux solutions: j’arrête l’ouvrage ici sans utiliser le reste de la laine…
– Non! Il faut tout mettre!!
-… ou je finis et je te la donne la semaine prochaine.
Regard finaud d’Eya qui ajoute:
– Il y a une autre solution!
– Laquelle?
– Tu la finis maintenant et tu me la donnes ce soir!!!
Impossible d’y échapper.
J’ai mis les bouchées double et… j’ai pu lui offrir l’écharpe en question avant son départ.
Quelques instants plus tard, ma belle-fille me confie qu’elle la trouve « vraiment belle ».
Ce qui me pousse à réagir:
– Tu parles sérieusement ou tu veux me faire plaisir?
– Non! J’aime vraiment! Je la porterais si j’avais la même!
Au moment de partir, Eya, son écharpe autour du cou, me demande:
– Mamitine, tu m’as dit que tu pourrais me faire un bonnet aussi. Je pourrai choisir le modèle?
Bienvenue dans un univers de nanas encore assez mystérieux pour moi qui ai toujours vécu entourée d’éléments masculins.
Bon.
Il va falloir que j’aille racheter de la laine.
Martine Bernier