Mes « Dodus »

Depuis que je suis journaliste, j’ai dû utiliser des centaines de cahiers de notes.
Au début, j’en choisissais de format A5, afin de pouvoir les glisser dans mon sac.
Mais, en cours de route, j’ai réalisé que je les remplissais trop vite et j’ai changé de méthode.
Plutôt que d’acheter des cahiers adaptés à mes sacs, j’ai inversé la vapeur en me procurant des sacs… adaptés au format de mes nouveaux cahiers.
Dès le jour où j’ai pris la révolutionnaire décision d’investir dans de grands cahiers à spirale format A4, ma vie a changé… et mes sacs aussi, par la même occasion.
Un jour où je me trouvais, en Suisse, dans un magasin spécialisé en articles de bureau, je suis tombée en arrêt devant LE cahier idéal.
Un mastodonte à spirale format A4, à couverture en papier épais, et, surtout, doté de 180 feuilles quadrillées.
Des
J’en ai acheté cinq, mentalement baptisés « Mes Dodus ».
Dès que j’avais un reportage, une interview ou n’importe quel autre article à écrire, j’emmenais l’un d’eux.
Ils étaient mes fidèles et indispensables assistants.
En arrivant en France, il m’en restait deux, à peine commencés au moment de quitter la Suisse.
J’ai tout naturellement continué à les utiliser pour mes interviews téléphoniques et autres articles, m’interdisant de les sortir pour autre chose que dans le cadre de mes activités journalistiques.
Et, ce mardi, est arrivé l’inévitable: j’ai noirci la dernière page de mon Dodu préféré.
Est-ce une illusion d’optique, je n’en sais rien, mais il m’a toujours paru plus épais que les autres.
Un gros Dodu pas beau du tout, mais merveilleusement confortable.
Bref… c’est sur l’interview d’une femme médecin que mon cher cahier a terminé sa carrière.
Comme je me suis interdit de conserver mes cahiers, je l’ai déposé dans le « carton papiers » et je suis allée farfouiller dans ma commode à réserves.
J’en ai sorti le dernier des Dodus, lui aussi largement entamé, pour qu’il se prépare à recevoir mes prochaines notes.
J’en ai profité pour regarder les autres cahiers et autres blocs qui attendent dans mes tiroirs que leur tour arrive d’être promus Assistants Scribes.
Il me reste des « Pas Dodus », de même marque que leurs grands frères, mais dotés de moitié moins de pages, et de « Faux Dodus » qui, eux, affichent le nombre de pages  espéré, mais des couvertures qui ne sont pas en papier. 
Il va falloir que j’évolue: l’ère des Dodus antiques touche à sa fin!