De temps en temps, lorsque la conversation s’y prête, mon Capitaine me raconte des anecdotes vécues tout au long de sa carrière militaire.
Hier, il m’a parlé de trois hommes dont il garde un souvenir précis.
A l’époque, il était adjudant et chef de section.
Parmi ses responsabilités, il devait entraîner ses hommes à effectuer une épreuve collective: une course de 12 km avec sac et arme, course suivie d’un tir de combat.
Tout au long des entraînements au cours desquels, bien sûr, il courait avec eux, il apportait beaucoup de soin à soutenir trois jeunes soldats moins résistants que les autres.
Des « ventres mous », dit-on à l’Armée…
Ils avaient beaucoup de peine à tenir la distance, se fatiguaient plus vite que les autres.
Celui qui m’accompagne les encourageait, les faisait courir en tête du peloton.
Il était important pour lui de ne pas les laisser à la traîne, de les valoriser.
Le jour de l’épreuve, la course commence.
Mais à mi-distance, mon Capitaine est pris d’une faiblesse ponctuelle au point qu’il n’arrive plus à courir et qu’il avance en marchant.
En y repensant, il explique sobrement « avoir coulé une bielle ».
C’est alors que ses trois « ventres mous » sont intervenus.
Le reste, c’est lui qui le raconte:
« Ils se sont regroupés autour de moi, m’ont encouragé et ne m’ont plus lâché.
Ils m’ont soutenu, m’ont permis de surmonter ce moment de fatigue à tel point que nous avons même réussi à rattraper le gros du peloton ensemble. »
Il s’est tu, le regard au loin, dans ses souvenirs.
Ces trois-là, il ne les oubliera pas.
Et ajoute: « Ils ont ‘sauvé mon honneur, ce jour là ».
Martine Bernier