Depuis plusieurs jours, j’essayais d’entrer en contact avec Steffen Patzwahl, directeur zoologique du Parc Paradisio, en Belgique.
Unique parc, pour mémoire, à avoir réussi à faire naître des oisillons Becs-en-Sabot en captivité, l’an dernier.
Ce mercredi, ô joie, ce monsieur charmant, de retour de voyage, a eu la gentillesse de me rappeler et de me raconter l’histoire des protégés du jardin zoologique…
L’oiseau étant en voie d’extinction, le rôle des zoos va s’avérer primordial pour aider à sa survie, dans les années à venir.
Seulement voilà… les rares spécimens vivant dans les différents parcs à travers le monde (à Berlin, à Prague, à Zürich, en Belgique et à Tokyo notamment) sont aujourd’hui adultes. Et tellement imprégnés par la présence de l’homme qu’ils n’acceptent plus de partenaires de leur espèce.
Impossible donc d’espérer les voir se reproduire.
En 2003, l’équipe du zoo belge a demandé une autorisation d’importation de Becs-en-Sabot auprès des autorités africaines.
Son but: adopter plusieurs jeunes adultes, et tenter de favoriser la reproduction, en leur permettant d’évoluer dans le parc dans des conditions proches de celles de leur milieu naturel.
Sur les quatre oiseaux adoptés, un couple s’est formé. En 2006, ils ont construit un nid. Un oeuf est apparu, mais, non fécondé, il n’a abouti à aucune naissance.
En 2007, calme plat: ni nid, ni oeuf à l’horizon… Vague de désespoir sur l’équipe du zoo…
Les responsables se sont alors interrogés. Comme ces volatiles sont solitaires, ils se quittent après la naissance des oisillons et reprennent leur chemin. Pour poursuivre cette logique naturelle, le couple a donc été visuellement séparé. L’idée était bonne…
L’année suivante, au mois de mai, lorsque les beaux jours sont arrivés, tous deux ont été remis en présence, au bord d’un étang aménagé.
Apparemment, les conditions étaient idéales: une parade nuptiale a aussitôt eu lieu, suivie par la construction d’un grand nid… et par l’arrivée de deux oeufs. Ceux-ci ont été mis en couveuse, dans l’espoir qu’une deuxième ponte ait lieu.
Ce voeu n’a pas été exaucé, mais les deux oeufs ont éclos en juillet 2008, après 42 jours d’incubation (et non 32 comme l’indiquaient les livres jusqu’ici).
Les deux oisillons ont survécu, beaucoup grandi, et mangent aujourd’hui seuls. Ils partiront bientôt pour le zoo de Zürich (Suisse) pour poursuivre le programme de reproduction.
Parallèlement à cette grande première mondiale, le zoo Paradisio a malheureusement vécu une véritable tragédie en perdant le mâle reproducteur dans un accident, et cherche aujourd’hui un oiseau pour le remplacer.
A la question: « Les zoos peuvent-il unir leurs efforts pour mettre sur pied un programme de réintroduction et de protection du Bec-en-Sabot dans son milieu naturel? », SteffenPatzwahl répond que l’idée est en cours. Mais il faudra pour cela délimiter une réserve en Afrique Centrale pour que l’oiseau et son habitat soient protégés. Ce qui implique évidemment pas mal de formalités administratives, et un lent processus d’acceptation du côté des habitants de ces régions.
Dans sa vie quotidienne, le Bec-en-Sabot est un grand solitaire. Les vidéos que vous pouvez voir (dans la section vidéo de ce sujet), tournées au zoo de Tokyo ne peuvent donc que choquer. Il y est cerné par le public, dans une promiscuité bruyante très peu respectueuse de l’animal. En souffre-t-il? « Dans ce zoo, les oiseaux ont été nourri à la main par leurs soigneurs, explique le directeur du zoo Paradisio. Ce qui explique qu’ils n’ont pas peur de l’homme. Ils ne souffrent pas vraiment de leurs conditions de vie, mais, comme nous l’avons dit plus haut, sont en revanche incapables de se reproduire car ils sont trop proches de l’homme. Plus ils sont farouches, plus ils se sentent à l’aise avec leur partenaire. »
Le Bec-en-Sabot peut vivre entre 20 et 30 ans.
Viendra forcément un moment où, dans les zoos, les problèmes de consanguinité vont être cruciaux. Grave? Pas vraiment estime M.Patzwahl qui précise: « Saviez-vous que tous les hamsters que l’on trouve aujourd’hui proviennent de la même femelle? Et il n’y a pas de réels problèmes dus à cette consanguinité… »
Les oiseaux nés en Belgique arriveront à Zürich le mois prochain. Ils seront placés en quarantaine avant d’être présentés à la presse et au public.
Quant au mâle reproducteur qui vit actuellement dans le zoo suisse, même s’il commence à prendre de l’âge, il partira bientôt pour le parc Paradisio, où tout le monde espère qu’il séduira la femelle qui y vit.
Tous les espoirs des deux directeurs de zoos se portent dans un premier temps sur ce mâle, les jeunes oiseaux étant trop jeunes pour procréer.
Lorsque l’on sait qu’il n’y a qu’une dizaine de Becs-en-Sabot en Europe, dont cinq à Prague, on comprend l’enjeu…