Ceux qui ont eu la chance ou la malchance de m’entendre parler anglais ne l’ont pas oublié. Soit ils en rient encore, soit ils ne s’en sont pas remis. Et plus il y a de monde autour de moi, plus mon english est pitoyable. Il faut dire que, lorsque j’étais sur les bancs de l’école à m’ennuyer copieusement lorsqu’il ne s’agissait pas de cours de français, de philo, de musique, d’Histoire ou quelque chose dans le genre , la prof d’Anglais, une certaine Miss Pollack aussi snob qu’antipathique m’avait prise en grippe. Sentiment parfaitement réciproque, d’ailleurs. Mais, mille fois hélas, je n’avais pas le pouvoir… Il me fallait la subir. Bref, je ne me sentais pas du tout motivée à apprendre la langue de Shakespeare, d’autant que je n’ai aucun don à la base pour ce genre d’exercice.
C’est dire si j’ai été sidérée par ce qui s’est passé dans le dernier avion qui me ramenait sur Nantes, mercredi. Nous étions deux femmes à nous partager les trois places de notre rangées. Nous nous sommes souri poliment et nous sommes voluptueusement étalées. Si je puis dire. Alors que nous amorçions la descente, ma compagne de voyage s’est retournée vers moi et, exaspérée, m’a expliqué, en anglais, qu’elle ne parlait pas un mot de français et qu’elle ne comprenait pas un traître mot du charabia soi disant anglophone baraguiné d’un ton chantant par le personnel naviguant. Les oreilles campées bien droites sur mon auguste tête, signe d’une profonde concentration, j’ai ouï ses doléances et ai répondu à ses questions, en m’excusant pour la faiblesse de mon propre anglais et en déplorant mon vocabulary famélique. « But no, no, no », m’a répondu ma très charmante voisine. Je speak very good, elle comprenait chacun de mes mots et ne permettait pas de douter de mon don. Si j’avais pu, je lui aurais demandé de me faire un certificat d’aptitude à l’intention de celle qui fut la sadique Miss Pollack.
Comme elle semblait d’humeur communicative, la dame de l’avion m’a expliqué, toujours en anglais, qu’elle allait rendre visite à une amie allemande installée en France depuis qu’elle en avait eu assez de son pays natal. Et elle profitait des Floralies pour passer quelques jours avec elle. Mais, God, ces Frenchies sont very pénibles: ils ne parlent que français! Investie de la mission honorable de devoir sauver l’honneur de la France j’ai fait de laborieux efforts. Qui apparemment ont porté leurs fruits. Lorsque nous sommes arrivées dans le local de récupération des bagages, ma nouvelle amie était very happy de me connaître. Nous aurions pu continuer à échanger ce genre de propos excellents pour mon ego lorsque, derrière la vitre, j’ai vu que j’étais attendue.
Et j’ai eu le sentiment d’oublier quelque chose…
Ah oui, mon sac!
Je suis retournée vers le tapis roulant, qui était l’un des plus grands et des plus longs que je n’avais jamais vus. Un véritable tortillard. Horreur: le sac en question, que je n’avais pas reconnu dans un premier temps, avait profité d’un instant d’inattention pour partir vivre sa vie. J’ai entrepris une galopade effrénée pour récupérer le fugueur. Lorsque j’ai quitté la pièce, ma British voisine m’a adressé un grand signe de la main et m’a souhaité good luck.
Merci, Little Madame. Je suis preneuse de tous les bons voeux possibles!
Martine Bernier