Allan – Albert

Allan a dix ans.
Il est aussi lunaire que moi.
Nous nous entendons donc très bien.
Je l’appelle Albert. Et il m’appelle Gilbert. J’ai bien dit Gilbert au masculin.
C’est comme cela.
Il est le fils de ma meilleure amie.
Et je me suis attachée à  ce petit bonhomme bourré d’humour, comme je suis attachée à  mes trois petits gavroches du Triangle d’Or, Yoyo, Théo et Clément, qui me manquent beaucoup. Je ne parle pas d’Aurore qui, elle, occupe une place à part.

Cet après-midi, j’avais à  aborder avec Albert un sujet délicat, et j’avais très peur de commettre un impair.
Dans la voiture, je lui ai posé la question: « Albert, que penses-tu du Père Noël? »
– « Je sais une chose: c’est qu’il n’existe pas. »

Bon, et bien au moins, nous sommes au clair. J’ai donc pu lui dire que je lui offrirai le cadeau qu’il choisira pour Noël.
Il faut dire qu’Allan a toujours été épatant avec moi.
Un elfe sensible, qui se cache derrière une carapace de petit homme, amusé par la vie et fou de trottinette. Avec les accessoires qu’il lui a rajoutés, la sienne ressemble d’ailleurs plus à  un engin supersonique qu’à  une « trott », comme il dit.

Allan est brouillé avec l’orthographe. Une invention créée pour lui empoisonner la vie, estime-t-il.
Je pense qu’il me prend pour une parfaite masochiste sérieusement givrée, pour passer ma vie à  écrire sans y être obligée. Apparemment, il ne m’en veut pas. Albert est TRES tolérant. Je le regarde évoluer, nonchalant, avec ce regard si particulier qui est le sien et qui lui fait toujours remarquer le détail insolite ou le non-sens qui va le mettre en joie.

Cet après-midi, dans la grande surface où nous cheminions comme deux âmes errantes, nous sommes passés par le rayon animaux, et j’en ai profité pour acheter le premier jouet que j’offrirai à ma petite chienne lorsqu’elle arrivera en janvier. En le posant dans le caddie que poussait Albert de manière parfaitement flegmatique, je lui ai dit: « J’espère qu’elle jouera. Scotty n’avait pas appris à jouer dans sa petite enfance, et je n’ai jamais pu l’y intéresser par la suite. » Il m’a regardée en disant: « Ah bon? Et maintenant, elle joue? »

Je l’ai regardé, le sourcil en accent circonflexe: « Allan, tu te moques de moi? » Devant ses protestations véhémentes, je lui ai dit: « Mais… Scotty est morte il y a une semaine. » Il tombait de la lune. La nouvelle lui était passée au-dessus de la tête. Allan le doux rêveur… J’espère ne pas avoir fait d’erreur dans l’orthographe de son nom. Un ou deux L ? C’est exactement comme pour le chameau ou le dromadaire, impossible pour moi de retenir lequel des deux a deux bosses. Comme quoi, à 10 ou à 50 ans, les Lunaires restent tous pareils…

Martine Bernier

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