Radeau de la Méduse: l’histoire vraie de l’une des pires tragédies de la mer.

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Certains textes me marquent plus que d’autres au moment où je les écris, simplement parce que les sujets me touchent intimement ou parce que qu’ils abordent un thème qui m’a fascinée, bouleversée ou indignée. C’est le cas pour celui-ci… La véritable histoire du Radeau de la Méduse… Nous savons tous qu’elle relate une histoire véridique. Mais savez-vous laquelle?

Pouvez-vous imaginer le choc de la foule réunie au Louvre, le 25 août 1819, lorsque, pour la première fois, elle a découvert une scène effrayante, reproduite sur une toile gigantesque, de 7,16 m sur 4,91m, et signée par un jeune peintre de 28 ans, parfaitement inconnu, Théodore Géricault?

A cette époque, pas de télévision, pas de photos. L’importance de la peinture était immense.
Et là, brutalement, « Le Radeau de la Méduse » fait son apparition, reproduisant de manière crue un fait divers scandaleux que personne n’avait alors oublié: le naufrage de la Méduse.
Cela se passait le 2 juillet 1816. Une frégate, la Méduse, transportant le nouveau gouverneur du Sénégal, le colonel Schmaltz, et 396 passagers fait naufrage au large de la Mauritanie.
Le public découvrira avec horreur et indignation l’incompétence du capitaine, qui n’avait plus navigué depuis vingt ans.
Le 5 juillet, les gradés, qui sont plus de 200, s’approprient les chaloupes de sauvetage, 147 autres passagers, marins et soldats, sont contraints de s’entasser sur un radeau de fortune de 20 mètres sur 7. Oui, vous avez bien lu… 147 personnes sur un bout de bois de 20 mètres sur 7…
Dix-sept marins restent à bord du bateau. Parmi eux, seuls trois survivront.

Dans un premier temps, le radeau des plus démunis est amarré aux chaloupes.
Mais rapidement, les amarres se rompent… ou sont rompues.
Dès la première nuit, 20 personnes seront massacrées ou, désespérées, se seront suicidées.
Les autres vont dériver durant treize jours, avec de l’eau jusqu’aux reins…
Le cauchemar est total. Une forte tempête va décimer leur groupe. Puis des mutins ivres vont semer la panique à bord. Ils seront jetés à la mer avec les blessés.
Le 8 juillet, ils ne sont plus que 27 survivants, quasi morts de faim et de soif.
Les détails revenus jusqu’à nous de ce drame sont horrifiants.
La plupart deviennent fous. Certains boivent leurs urines, d’autres se nourrissent avec des lambeaux de cadavres séchés sur les haubans. Les conditions de survie sont atroces.
Le 17 juillet se profile enfin un navire, l’Argus, à l’horizon. Le calvaire prend fin pour les quinze derniers survivants.

Cet événement épouvantable, c’est ce qu’a voulu peindre Géricault.
Avant de s’y atteler, il a mené une enquête minutieuse auprès des naufragés, afin de réaliser un tableau réaliste. Mais il ne l’a pas fait, préférant peindre une allégorie.
Son oeuvre, lorsque l’on en connaît l’histoire, prend une toute autre dimension.
Il a voulu représenter le moment où, le 17 juillet, les naufragés ont retrouvé l’espoir.
Dans le fond du tableau se profile la forme d’un trois-mâts, et les bras se lèvent vers cet espoir…
A l’avant du radeau, un homme à la peau brûlée par le soleil agite un foulard rouge.
Ils commencent à croire au miracle…

Les témoignages des rescapés ont captivé la France entière.
L’un d’eux a raconté ceci:
« Nous reconnûmes tout de suite que c’était le brick l’Argus. Il avait mis son pavillon blanc au mât de misaine pour nous le faire apercevoir et nous faire comprendre qu’il venait à notre secours. Notre premier mouvement fut de nous jeter tous à genoux pour remercier l’Etre tout-puissant qui avait daigné jeter un regard de pitié sur nous… »

Dans le pays, l’affaire de la Méduse déchire la classe politique.
Les royalistes sont accusés d’avoir négligé la sécurité maritime en supportant une marine archaïque.
Le Ministre de la Marine n’a d’autre choix que de démissionner. Et le capitaine de la Méduse est condamné à trois ans de prison.

Nous passons parfois devant des toiles en leur jetant à peine un coup d’oeil distrait.
Mais si l’on découvre leur histoire, il n’est plus possible de les regarder du même oeil.
Le tableau de Géricault est d’une puissance extraordinaire. Les cadavres, au premier plan, font frémir.
Parmi eux, couché la face contre le bois, figure… Eugène Delacroix, un ami du peintre, lui même considéré comme l’un des plus brillants représentants de l’école romantique française.

Ce 25 août 1819, les visiteurs du Louvre ont eu un choc.
Il y a dû y avoir un long silence, puis beaucoup de commentaires.
Car la toile a été reçue avec une hostilité marquée.
Les journalistes de l’époque ont relevé qu’il n’y avait aucun héroïsme ni de grandeur dans cette oeuvre « qui semble avoir été faite pour réjouir la vue des vautours ».

Ceci dit, près de deux siècles plus tard, Le Radeau de la Méduseest toujours considéré comme une oeuvre majeure.
La plupart d’entre nous a oublié le drame qui s’est joué en haute mer, à l’époque.
Mais le tableau, lui, nous glace le sang lorsque l’histoire nous est racontée.

Martine Bernier

… Quant à Géricault, il a ensuite peint des courses de chevaux en Angleterre, a mené une vie assez instable et a beaucoup évoqué dans sa peinture la souffrance, la folie, et la mort, avant de mourir, le 26 janvier 1824, des suites d’une chute de cheval. Il avait 33 ans.

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