Un commentaire demandait hier qui est James Ensor.
Et bien disons qu’il était l’une des personnalités les plus insolites de la peinture…
Accrochez-vous: le récit de sa vie étonne.
Je l’ai découvert très tôt… simplement parce qu’il était belge et que, lorsque j’habitais à Bruxelles, l’une de mes profs, fascinée par l’Histoire de l’Art, m’avait emmenée, un mercredi après-midi, voir une exposition qui lui était consacrée. J’avais eu droit à une visite sur mesures, et j’avais été intriguée par la peinture compliquée de ce drôle de personnage, qui avait pris pour maîtres Bosh, Breugel et Goya. Il était né le 13 avril 1860 à Ostende et y est mort en 1949. Polémiste agressif à ses heures, il a été beaucoup critiqué, en a agacé plus d’un. Et pourtant, il est devenu très prisé à la fin de sa vie, en Belgique, recevant respect et multiples hommages pour sa carrière solitaire.
Mais comment le définir?
Je crois, que James Ensor… captivait James Ensor, tout simplement.
Il fallait que ce soit le cas pour se consacrer 112 autoportraits!
Difficile d’être plus narcissique…
Et malgré cela, il reste insaisissable. Pourquoi? Parce que ces portraits le représentent à chaque fois dans des états très différents: poseur dandy élégant au milieu d’une foule burlesque, bourgeois respectable affublé d’un chapeau féminin fleuri, et nettement pire encore.
Ses scènes de carnaval traduisaient bien ce qu’il était vraiment: un homme qui brouillait les pistes.
Techniquement, il faisait vibrer la lumière, jouait avec les couleurs, créait des univers surréalistes peuplés de monstres et de squelettes, et d’autres saisissant de finesse. J’ai pour ma part un faible pour « Ensor à l’harmonium ». Sa peinture a été violente pendant des années avant de se calmer et, disent les spécialistes, de « tiédir » sur la fin.
Il ne fait pas partie des peintres qui me bouleversent, non. Sa peinture n’est pas imprégnée de sentiments qui peuvent émouvoir. Troubler, plutôt.
Ce qui m’intrigue en lui, c’est que cet homme s’est caché toute sa vie, a tenté de donner une image qui n’était pas la sienne.
Ironique, il s’est caricaturé, a joué avec les allégories, les références décalées, a créé le graffiti, s’est montré cruel dans ses oeuvres, puis est devenu un homme acceptant de bonne grâce les honneurs tout en élaborant son propre mythe.
Une anecdote campe bien le personnage piquant qu’il était.
Un jour de 1942, une radio annonce par erreur son décès.
Comment a-t-il réagi? En allant se recueillir pieusement devant sa propre statue.
Aller voir l’exposition d’Ensor au Musée d’Orsay (elle s’y tient jusqu’au 4 février 2010, si cela vous tente), est une occasion de se plonger dans un univers où il est difficile de se repérer.
Mais quel univers…
Martine Bernier