C’était au début de ce mois de mai.
Le tableau de Pablo Picasso « Nu au plateau de sculpteur » était mis aux enchères chez Christie’s, à New York.
Estimé entre 70 et 90 millions de dollars, il était évident qu’il trouverait preneur.
Mais là… les records ont été une fois encore pulvérisés: un acheteur anonyme l’a acquis pour la somme de 106,4 millions d’euros.
Giacometti, n’a pas gardé longtemps son record mondial avec la vente de son « Homme qui marche », en février 2010.
Très contents, certains marchands d’Art estiment que « la crise est désormais terminée ».
Pardon?
La fameuse crise fait la Une de tous les journaux du monde, le mot « restriction » est revenu au goût du jour, l’euro traîne la patte, mais cela ne perturbe pas lesdits marchands?
Bizarre.
Parlons-nous bien de la même crise?
Ou, plus simplement… du même monde?
Lorsque j’entends qu’un « collectionneur » a consacré une telle somme pour acquérir un tableau, je m’interroge.
Où se trouve la frontière entre l’amour de l’Art et la spéculation pure?
Lorsque l’on connaît les conditions de vie de la plupart des artistes, de tous temps, il est difficile de ne pas grincer des dents devant les sommes astronomiques qu’atteignent certaines oeuvres aujourd’hui.
Si encore elles étaient acquises par des musées qui pourraient continuer à les présenter au public, tout simplement…
Je venais d’écrire ces quelques lignes lorsque je suis allée voir les aquarelles de quelqu’un que je viens tout juste de rencontrer.
Il habite à quelques minutes de Giverny, le paradis de Monet où je serai en septembre grâce à mon complice d’escapades culturelles.
La peinture est la passion de cet homme, mais pas son métier.
Il dit qu’il « gribouille ».
Il fallait donc que je puisse voir ses « gribouillages », histoire de me faire une idée, discrètement.
J’ai vu…
Des dessins croqués au stylo bille, des aquarelles, des photos…
Un monde intérieur d’une richesse stupéfiante.
Les aquarelles sont étonnantes de justesse, troublantes de fragilité, certains portraits vous agrippent le coeur.
Les légères failles techniques sont comblées par un respect infini des êtres qu’il dessine ou photographie, une tendresse perceptible dans chacun de ses traits.
Il ne dessine pas « les beaux », il dessine « les vrais ».
Quant aux photos… cet homme a un véritable regard, l’art de saisir les angles, les petits riens de la vie.
Il a un don qui déborde de l’objectif ou du pinceau.
Pour la photo comme pour la peinture, il aborde les sujets avec ce petit quelque chose qui réussit à émouvoir.
Je ne le lui ai pas dit, mais sa sensibilité et son talent m’ont bouleversée.
Bon sang… quand je pense qu’il dit « gribouiller »…
A quelques minutes de la maison de Monet habite un bel artiste.
Martine Bernier