On pouvait s’attendre à un récit dramatique et pathétique.
Le livre « 3096 jours » que Natascha Kampusch a consacré à sa captivité et à la relation qu’elle a entretenue avec son ravisseur est bien plus que cela.
Cette jeune femme intelligente offre ici une analyse fine de ce qui lui est arrivé, et du comportement de Wolfgang Priklopil qui l’a gardée prisonnière dans une cave non loin de Vienne durant huit ans.
Elle ne se contente pas de relater l’horreur des mauvais traitement, de sa condition d’esclave d’un homme gravement malade psychiquement, comme elle le décrit elle-même.
Elle essaie de comprendre les raisons de l’horreur, les mécanismes qui animaient son bourreau pour la faire vivre ainsi dans une oppression totale.
Elle s’insurge contre les spécialistes qui mettent en avant le syndrome de Stockholm, et explique que, non, le fait de se rapprocher de son ravisseur et d’essayer de se créer une bulle de normalité dans l’horreur du quotidien n’est pas un syndrome mais une stratégie de survie.
Elle explique également que, lorsque la victime ne se cantonne pas dans le rôle larmoyant que l’opinion publique aimerait lui voir endosser, elle peut rapidement devenir la cible des critiques.
La compassion a son égard peut virer à es sentiments nettement plus complexes.
Avec sa réflexion brillante et sans complaisance, son témoignage clair, Natascha Kampusch a signé un livre fort et important, remarquable à plus d’un titre.
Dans une interview qu’elle a donnée récemment, elle expliquait qu’elle est souvent interpellée par des passants qui veulent soit la prendre dans leur bras, soit se mêler de l’histoire qu’elle a vécu en donnant leur avis, en mettant en doute sa version.
Elle reste la proie d’une phobie sociale que ce genre de comportement n’arrange pas.
Elle explique qu’elle pensait qu’il serait simple d’intégrer le monde extérieur, de se faire des amis… et découvre que c’est compliqué.
Elle craint de se faire vampiriser, de perdre sa liberté… se sent scrutée par le monde entier après l’avoir été par un seul homme pendant des années.
Sa liberté a un goût amer, confie-t-elle.
Il va lui falloir de la force… encore.
Martine Bernier
« Natascha Kampusch — 3096 jours », JC Lattès.