J’avais traversé le pré pour me rapprocher du torrent, très fourni ce matin.
Je le contemplais avec Pomme lorsqu’une voix presque familière a résonné:
– Il va vous manquer.
Ce n’était même pas une interrogation.
Je savais qu’en me retournant, j’allais me retrouver face à ce monsieur que je croise de temps en temps, que je ne vois jamais arriver et dont les conversations sont inattendues.
– Oui, c’est vrai.
– Il pleut. Vous n’êtes pas dérangée pas la pluie?
– Non, j’aime bien.
– Comment va votre santé?
– Je ne sais pas, j’évite d’y penser. Je retourne chez le chirurgien lundi. Je verrai… Et vous, comment allez-vous?
– Comme les vieux!
Il a ri doucement avant de reprendre:
– Vous partez bientôt?
– Décidément… vous êtes bien renseigné!
– Oh vous savez, tout le monde se connaît, ici. Et tout le monde vous connaît aussi.
– Je pars au milieu du mois prochain.
Il m’a regardée, songeur:
– J’espère que vous serez bien. Mais vous êtes bien accompagnée, c’est bien. Vous ne regretterez pas trop le lac?
– Si. Mais je serai tout près…
– Et vos voisins?
– Ceux avec lesquels j’ai noué des contacts d’amitié auront mon adresse. J’espère les revoir…
La pluie, fine jusqu’alors, commençait à tomber à grosses goutes.
Il a regardé son chien:
– Je vais le rentrer. Il se fait vieux, lui aussi. Il ne manquerait plus qu’il me fasse une pneumonie.
J’ai eu l’impression qu’il hésitait, puis il m’a jeté un coup d’oeil et s’est éloigné en disant, assez fort pour couvrir le vacarme du torrent:
– Vous allez me manquer, vous.
Je l’ai regardé partir en pensant:
– Vous aussi.
Martine Bernier
J’aime tout ce que je lis sur votre blog. Et tout particulièrement ce genre de textes que vous classez dans votre rubrique Vie Quotidienne. Excellent.
Pauvre petit vieux,vous allez lui manquer,c’est important quelques fois de faire des rencontres amies…Bonne soirée