Les faux routards et les faux amis

Il y a deux ans, alors que j’étais en Bretagne, je suis rentrée en contact, complètement par hasard, avec Laurent, un français d’origine bretonne, installé dans un pays d’Afrique du Nord où il a acheté un établissement touristique.
Nous sommes restés en contacts épisodiques et, peu avant mon dernier déménagement, nous avons eu une longue conversation qui m’a beaucoup intéressée.
Nous parlions de Florence où j’étais allée l’automne dernier, et  la conversation a glissé sur les vacances.
En tant que professionnel du tourisme, il m’a ouvert les yeux sur un monde assez étonnant.
– La saison a commencé, pour toi?
– Tu sais, elle dure à peu près toute l’année! Nous recevons du monde quelle que soit la saison.
– Tu ne ‘en lasses pas?
– Non, j’aime mon métier. Par contre, avec le temps, tu finis par reconnaître les différents types de touristes que tu vas recevoir.

Il m’a détaillé les  catégories auxquelles je m’attendais un peu. Et a poursuivi:

– Et puis tu as ceux qui voyagent peu, qui habitent en Bretagne et qui, découvrant que j’y ai mes origines, se sentent obligés de m’apporter des spécialités locales bien  caloriques que je n’avale jamais, y compris lorsque je suis en France. Qui se sentent en famille parce que nous venons à peu près du même coin.
– Cela part d’une bonne intention!
– C’est vrai. C’est même sympathique à la base. La plupart sont attachants. Pas tous.
– Il existe des types de visiteurs que tu n »apprécies pas?
– Les prétentieux qui s »imaginent tout connaître d’un pays parce qu’ils y passent une semaine dans des conditions paradisiaques, ou qui se donnent une aura de routards parce  qu’ils font une visite guidée des souks.
– Hum.
– Les vrais grands voyageurs parlent peu de leurs voyages. Ils parcourent le monde pour aller à la rencontre des autres, pour comprendre les pays qu’ils visitent. Ceux qui se vantent le plus ne sont pas les plus intéressants. En général ils postent des commentaires élogieux sur leur séjour un peu partout, ce qui est plutôt positif, mais ne nous lâchent plus.
– Tu es dur.
– Tu sais, il ne faut pas confondre amitié et travail. L’hôtellerie est un milieu où la gentillesse et le sens de l’accueil sont deux des clés du succès. Si le client se sent bien, nous avons réussi notre mission. Il arrive, rarement, que des liens d’amitié se développent avec certains d’entre eux. Pas très souvent. Mais des personnes qui ont peu de vie sociale peuvent confondre amitié et amabilité.
– Que fais-tu dans ce cas-là? Après tout, une relation aimable peut déboucher sur de l’amitié?
– Oui, mais pas quand, par exemple, tu trouves antipathique la personne qui te fait face. Je reste cordial en posant des limites. Ce sont des clients qui peuvent potentiellement revenir et faire jouer le bouche-à-oreille. Il ne faut pas qu’ils ressentent mon malaise.
– Opportuniste par obligation?
– Pas vraiment. La plupart des gens savent que notre relation est cordiale, sympathique, mais éphémère, et qu’une fois qu’ils partent, ils sont remplacés par d’autres que nous accueillons de la même manière. C’est un métier de contact qui nous permet de rencontrer énormément de monde. Il faut juste arriver à ne pas se laisser dévorer par les envahisseurs!
– Et toi, quand tu as des vacances, où les passes-tu?
– Je retourne en Bretagne voir les miens. Mais j’ai un rêve de voyage, secret!
– Où les relations seront autentiques?
– Tu as tout compris…

Martine Bernier

 

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