Alors que l’actualité est d’une lourdeur insoutenable, il suffit parfois de regarder par la fenêtre pour surprendre des scènes qui rendent la vie nettement plus légères.
C’est ce qui m’est arrivé cet après-midi.
Je venais de terminer un article, et j’étais avec Pomme au-milieu des plantations de notre « Jardin Suspendu », traquant la fleur fanée, lorsqu’un bruit épouvantable a résonné.
Enfin… pas vraiment un bruit.
Quelqu’un s’est mis à chanter.
Enfin… pas vraiment chanter.
Je crois que, de ma vie, je n’avais jamais entendu chanter aussi faux et aussi mal.
Une voix masculine, nasillarde et désagréable, tonitruante, un enchevêtrement de notes en complète disharmonie.
Pomme m’a jeté un regard apeuré.
Et j’ai cherché d’où venait le concert.
J’ai trouvé.
Sur le toit d’un bâtiment à quelques mètres de chez moi, un homme travaillait sur un toit.
J’étais tellement ébahie que j’en ai mis mes lunettes, chose que je ne fais pour ainsi dire jamais.
La trentaine, le cheveux noir, il se concentrait sur son travail et chantait à tue-tête.
Il chantait… avec une telle ferveur qu’il ne me serait pas venu à l’idée de me moquer.
Pavarotti en salopette, il ne semblait pas réaliser combien il chantait faux.
Et, comme souvent dans ces cas-là, l’artiste en herbe ne se contentait pas de fredonner une chanson à la mode.
Non.
Il s’attaquait à un répertoire à sa mesure, une chanson de Balavoine: « Le chanteur ».
Si!
Je me suis demandée si sa supplique s’adressait à un éventuel producteur passant par là, en quête de nouveaux talents…
Sa démonstration n’a pas duré longtemps.
L’un de ses collègues l’a houspillé depuis la rue, et la voix s’est tue.
Je vais sans doute passer pour une incorrigible sentimentale, mais il avait l’air si penaud que je lui aurais bien demandé de continuer.
Martine Bernier