Une ou deux fois par année, lorsque j’étais haute comme trois pommes, notre école nous organisait une projection privée au cinéma.
Il nous suffisait de traverser une rue et de longer deux trottoirs pour rejoindre le cinéma Erasme, mais c’était à chaque fois la fête.
Les professeurs consacraient une dose d’énergie inimaginable à tenir leur troupeau calme.
Environ 400 enfants, tous du sexe féminin de surcroît, excités comme des puces… on imagine le tour de force.
Un jour de 1969, nous nous sommes retrouvés devant l’écran géant pour découvrir « Tintin et le Temple du Soleil ».
J’avais dix ans.
Et une chose, une seule, m’est restée gravée dans la tête: la chanson de Zorino.
Le petit Zorino enfermé dans sa prison, attendant la mort qui doit venir le cueillir au levé du soleil.
La musique, les paroles… j’ai été envoûtée.
A tel point qu’aujourd’hui encore, souvent, cette chanson résonne dans ma mémoire.
J’ai compris plus tard pourquoi une chanson de dessin animé m’avait à ce point marquée.
Elle était signée par celui que j’allais admirer ma vie durant: Jacques Brel.
C’était une chanson destinée à un public enfantin.
Mais un bijou.
Si vous ne connaissez pas cette merveille, en voici les paroles et le lien.
Et imaginez 400 gamines, toutes en uniformes bleu marine, en pleurs devant un écran où chantait un enfant de papier.
Martine Bernier
La Chanson de Zorino
Pourquoi faut-il qu’un Zorino s’en aille
Pourquoi faut-il mourir après la nuit
Pourquoi faut-il qu’un Zorino s’en aille
Qu’un Zorino quitte déjà la vie
Je n’étais rien encore
Et je ne serai plus rien
J’aimerais être fort
Pour entrer dans le noir
On a eu beau me dire
Que l’on vit pour la mort
J’aimerais tant vieillir
Plus longtemps que ce soir
Pourquoi faut-il qu’un Zorino s’en aille
Pourquoi faut-il qu’il meure après la nuit
Pourquoi faut-il qu’un Zorino s’en aille
Qu’un Zorino quitte déjà la vie.
Martine Bernier