Photo d’Eric Bernier
C’était vendredi dernier. Un rendez-vous pour un article… et une rencontre exceptionnelle. Claudio Corallo était en Suisse entre deux avions, deux destinations, lui qui partage sa vie entre Sao-Tomé e Principe, en Afrique, Lisbonne et Prague. A la fin de l’entretien qui a duré tout l’après-midi, nous avions échangé nos coordonnées personnelles, et nous convenions qu’il ferait escale par chez nous lorsqu’il reviendra, avec son épouse, en février.
J’ai envie de vous faire découvrir cet homme sensible, passionné et passionnant, au destin hors du commun.
Voici l’article tel qu’il paraît aujourd’hui dans l’hebdomadaire « Terre et Nature ».
Parti de l’Italie, son pays natal, Claudio Corallo est devenu un orfèvre en matière de culture de café et de cacao. Lui qui ne se sent bien qu’au cœur de ses plantations africaines est de passage en Suisse pour l’ouverture d’une boutique contenant ses produits hors du commun.
Claudio Corallo est un personnage unique. Il y a en lui autant d’Indiana Jones que de cultivateur amoureux fou de sa terre. Sa vie est une aventure. Et sa terre n’est pas celle de Florence natale. Lui dont sa maman disait: « Tu t’es trompé de lieu de naissance, tu aurais dû naître en forêt! » se spécialise en suivant ses études à l’Institut Agronomique pour l’Outremer avant d’accepter un premier contrat lui permettant de travailler au Zaïre avec un projet de coopération. En 1979, il rachète une plantation de café abandonnée, de 1250 hectares, au fin fond des forêts les moins explorées du pays. Il y plante du café, forme la population locale, apprend la langue et vit dès lors au cœur d’un océan de verdure. Pour y accéder, il faut voyager sur le fleuve, en pirogue ou en bateau à roue et terminer les 95 derniers kilomètres du voyage à pied. Claudio construit une piste d’atterrissage pour rompre un peu l’isolement dans lequel il vit avec sa famille. Les animaux sauvages qui visitent la plantation ne l’effraient pas. Désormais, sa vie est ici, avec son épouse et les trois enfants qui naîtront de leur union.
De la réussite au renoncement
Sa plantation, il lui prodigue les meilleurs soins. En 1989, sa première production est une merveille de qualité. Mais huit ans plus tard, la situation politique du pays se dégrade et il doit tout abandonner précipitamment. « J’avais senti venir le vent, raconte-t-il. En 1993, j’avais loué une plantation à Sao Tomé-e-Principe, deux îles qui représentent l’un des plus petit pays d’Afrique, dans l’Atlantique Sud, et j’y avais installé ma famille. Quand je suis parti à mon tour, il a fallu tout recommencer. J’ai planté du café sur une île et du cacao sur l’autre. Aujourd’hui, j’y vis toujours. »
Le déchirement de ce départ d’un pays où il a laissé son cœur n’empêche pas Claudio de se remettre au travail sans attendre. Au fil du temps, il rachète ses nouvelles plantations. Sur Sao Tomé, dans sa plantation de Nova Moka, il cultive le café avec sa famille, fort de l’expérience d’une vie. Sur Principe, dans sa plantation de Terreiro Velho, il apporte la même rigueur et la même attention au cacao, culture nouvelle pour lui. Esthète exigeant avec lui comme avec les autres, il cherche les variétés possédant les meilleures saveurs, est partout sur le terrain et se jette à corps perdu dans le travail. Il développe une méthode de fermentation naturelle, trouve la courbe thermique idéale pour un séchage optimal des fèves.
Le must du cacao
Le résultat est magnifique. Ses fèves de cacao n’ont pas d’amertume agressive. Leur douceur permet de limiter l’apport de sucre lors de la préparation du chocolat. Les saveurs de chacun des produits issus des deux plantations de cacao comme de café ressemblent au maître des lieux: raffinées, authentiques, tout en nuance. Désormais, ce cacao, ce chocolat et ce café qui se trouvaient jusqu’ici dans les épiceries fines et autres commerces spécialisés, se retrouvent dans l’élégante boutique ouverte depuis peu à Nyon (VD) tenue par Patrick de Carvhalo, collaborateur de Claudio Corvallo.
Celui-ci revient désormais deux fois par an en Europe pour assurer le négoce de ses produits et aller à la rencontre de ses clients. Partout où il passe, il fascine et passionne ses interlocuteurs par son savoir, ses valeurs, sa sensibilité et son expérience. Sa vie est un roman qui l’a entraîné jusqu’en Bolivie où il a partagé son savoir avec des planteurs locaux. De son départ du Zaïre et de ses premières plantations où plus jamais personne n’est retourné, il parle avec tristesse mais sans aigreur. L’amertume ne fait décidément pas partie de la vie de Claudio Corallo…
Martine Bernier
Promeco Af Sarl, Patrick et Nadea de Carvalho, route de St Cergue 39, 1360 Nyon. Tél. 022 556 76 86
Site: www.claudiocorallo.com