Van Dongen: le fauve devenu doux

 

 

 « Le Doigt sur la joue » (1910)

 

 

 

 

 

                                                                   Portrait d’Anna de Noailles (1931)

 

A la Fondation Gianadda (Martigny – Suisse), se trouve une salle dans laquelle ont été accrochées les toiles de l’exposition permanente des lieux.

Parmi elles, un tableau de Kees Van Dongen (1877 – 1968).
Je ne connaissais que très peu ce peintre néerlandais avant d’aller visiter  l’exposition qui lui a été consacrée, il y a une dizaine d’années, au même endroit.
Et j’ai aimé ses femmes aux yeux immenses… 

Van Dongen était un peintre moderne, culotté, anarchiste, rebelle.
En 1913, alors que les tableaux pouvaient encore faire scandale, il avait déclenché un séisme au Salon d’automne en présentant son « Tableau ».
Celui-ci montrait une femme nue, debout, de face, et un homme agenouillé un peu trop près de la dame, avaient jugé les critiques de l’époque.
L’outrage à la pudeur a été estimé tel que la police a été chargée de décrocher la toile
Dans les journaux du lendemain, Van Dongen était massacré par Paris-Midi: « Tableau n’est qu’une ordure et son auteur un barbare au talent primaire », tandis que  L’Humanité défendait le peintre en prenant à parti Léon Bérard, secrétaire d’Etat aux BEaux-Arts qui avait ordonné le décrochage de l’oeuvre « obscène ».

Comme il fallait s’y attendre, l’événement a contribué à assurer la popularité de l’artiste.
Kees était un mondain connu, peintre des bordels parisiens, adepte des couleurs flamboyantes.
Dans de nombreuses toiles, elles sont criardes, déposées en aplats, explosives, ce qui lui a valu d’être catalogué « fauve », comme Matisse, Vlaminck et Derain.
Ses modèles sont outrageusement fardés et peu vêtues: Van Dongen est précédé d’une réputation sulfureuse.

Pourtant, dans la deuxième partie de sa vie, il va troquer son aura de « peintre des bordels » contre celle, plus seyante, de peintre mondain.
Il entre dans ce qu’il appelle son « époque cocktail » dès 1912.
On lui doit alors des portraits du Tout-Paris représentatifs des grandes figures des Années Folles.
Finis les rouges orangés, les verts et les jaunes criards.
Ils cèdent la place à des tons gris perles, des tonalités bleutées.
Les silhouettes des femmes s’allongent tandis que leurs bijoux deviennent des accessoires très présents.
Les années 30 marqueront les heures de gloire de Van Dongen.

Mais son aura va se ternir  lorsque, en 1941, il accepte une invitation d’Arno Breker, sculpteur officiel du IIIe Reich, et part en voyage à Berlin.
Quelque chose s’est cassé dans l’amour que lui portait le public.
Le peintre part s’installer à Monaco après la guerre.
C’est là qu’il mourra en Mai 68, dans l’indifférence quasi totale.

Martine Bernier 

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