J’étais hier quelque part dans les Alpes vaudoises pour réaliser une longue interview d’une personne hors du commun.
Dont, évidemment, je ne peux pas parler ici avant que l’article ne soit paru.
Il s’est cependant passé quelque chose au cours de cet entretien qui a provoqué en moi une émotion profonde.
Alors que mon interlocutrice me parlait de jeunes gens handicapés qu’elle soutient, elle m’a expliqué que ces jeunes dessinaient.
Et que leurs oeuvres étaient exposées ponctuellement.
Elle en avait acheté plusieurs et a tenu à me les montrer.
J’ai eu un vrai choc.
J’ai déjà parlé ici des artistes autistes surdoués, dont les représentations de villes ou l’interprétation d’une pièce musicale est exceptionnelle.
Mais jamais je n’ai eu entre les mains le fruit d’un tel travail.
J’ai d’abord pu découvrir les dessins d’un jeune homme qui aime représenter la ville, lui aussi.
Deux choses m’ont frappée: l’utilisation de couleurs flamboyantes, très bien utilisées et réparties, et le soin infini du détail.
J’aurais voulu avoir la possibilité d’étudier plus longuement ces dessins attirants, pétillants, témoins du regard de ce garçon dont on pense qu’il est renfermé sur lui-même, pris dans la coquille de la maladie dont il est atteint…
J’ai ensuite vu les oeuvres d’une jeune femme, handicapée elle-aussi.
En noir et blanc, elles sont très différentes des premières que l’on m’a présentées.
Abstraites, elles sont composées d’une infinité de petits ronds posés les uns à côté des autres.
Une sorte de pointillisme enfantin, qui forme des ensembles fascinants.
Ses dessins occupent toute la page et font penser par certains côtés à la démarche de Gaudi, du Facteur Cheval ou de Niki de St Phalle.
Lorsque je suis sortie de cette interview qui a duré plusieurs heures, il m’a fallu longtemps pour remettre de l’ordre dans mes idées et dans la somme d’informations que je venais de recevoir.
Il fallait me remettre des émotions ressenties face à une personne d’une richesse exceptionnelle.
Et ce matin, alors que je commence à réfléchir à la façon dont je vais construire mon texte, je repense à ces dessins, à ces talents bouleversants.
Martine Bernier