Hier matin, mon Capitaine, Gérard (mon rein gauche) et moi, nous rendions pour la troisième et, en principe, la dernière intervention à la clinique.
Depuis plusieurs jours, Gérard se comportait comme un malotrus, faisant tout et n’importe quoi pour m’empoisonner la vie.
Je n’étais donc pas mécontente qu’il soit rappelé à l’ordre et muselé, au moins pour quelques heures.
Cette fois, en arrivant, j’ai appris que je montais au sixième étage.
J’y ai déjà été accueillie une fois,seule en chambre, et je savais qu’il s’agissait de l’étage de l’oncologie.
Cette fois, je me suis retrouvée dans une pièce commune sans porte, ressemblant assez à une lumineuse salle d’urgence, dotée de lits confortables, et ouverte sur le couloir, véritable QG des soignants.
Radio, prise des constantes etc: je connais bien le processus d’installation, pour l’avoir vécu cinq fois déjà.
Une fois installée, j’ai pris conscience que les deux personnes qui occupaient les lits à côté et en face de moi, étaient en train de vivre une séance de chimiothérapie.
Un monsieur souffrant de troubles respiratoires, visiblement fatigué, et une dame d’une cinquantaine d’années, souriante et positive.
Nous étions séparés par des rideaux.
Lorsque le jeune brancardier que je connaissais déjà est venu me chercher pour filer en salle d’opération, tandis que mon Capitaine allait prendre son premier repas de la journée, je n’avais pas d’appréhension.
En salle de réveil, je connaissais pratiquement tout le monde et tout le monde me connaissait.
Les rapports sont forcément plus détendus, plus chaleureux.
L’anesthésiste a même accepté de me donner l’anesthésie que je souhaitais: un cocktail ne provoquant pas l’endormissement, mais à peine une somnolence me mettant à l’abri de la douleur.
De retour au sixième étage, mon Capitaine n’était pas encore revenu, et la patiente du lit d’en face est venue me parler un moment.
Elle m’a expliqué qu’elle avait six séances à passer et que celle-ci était la première, que tout se passait bien.
Dans l’après-midi elle a reçu la visite de deux jeunes femmes, ses filles peut-être, venues lui tenir compagnie pendant son traitement.
Une fois encore, j’ai été touchée par la compétence et la gentillesse des infirmières, à l’instar de tout le personnel médical.
Et j’ai vécu chaque instant de ce court séjour un peu comme une éponge, en m’imprégnant du vécu de chaque personne croisée à cet instant précis.
Le simple mot d’oncologie effraie.
Au sixième étage de cette clinique lausannoise dont les fenêtres donnent sur le lac, j’ai en effet vu des personnes en traitement.
Des personnes âgées visiblement très fatiguées, également.
Mais j’ai aussi entendu des rires, des plaisanteries, la compassion, la prévenance, le réconfort.
La vie prend une autre dimension à cet étage-là.
Le soir, en rentrant forcément un peu secouée dans notre nid, je ne tenais pas une forme olympique.
J’ai retrouvé avec délices ma Pomme partie passer quelques heures chez son Parrain pendant notre absence, et ce décor familier dans lequel je me sens bien.
Mon Capitaine est alors arrivé et a posé devant moi un paquet qu’il a ouvert avec précautions.
Il venait de Gaby, de la Ferme des Pralies…
Si, si, souvenez-vous… La magicienne de la Ferme des Pralies
Rempli de confitures parfumées il a été une douceur dans cette étrange journée.
Ce geste d’amitié m’a infiniment touchée… tout comme les messages laissés par mon ami dessinateur, par mes proches.
Aujourd’hui, je sais que j’ai encore quelques étapesplus légères à franchir avant d’être délivrée de mes soucis médicaux.
Mais le plus dur est passé, sous la douce protection de Celui qui m’accompagne.
Et je pense à celles et ceux qui n’en ont pas terminé avec leurs visites au sixième étage…
Martine Bernier