Lorsque j’étais enfant, ma mère mettait un point d’honneur à ce que ses enfants et son mari soient présents avec elle à la messe dominicale.
C’était pour moi un moment profondément ennuyeux où ne me plaisaient que les chants qui venaient couper la monotonie ambiante.
Un autre rite me plongeait, lui, dans un abîme de réflexion: la quête.
Dès qu’elle savait que nous partions pour la messe, ma grand-mère qui, elle, la suivait à la télévision, me confiait quelques pièces à mettre de sa part dans le panier qui passait parmi les ouailles.
Je n’arrivais pas à comprendre à qui ou à quoi était destiné cet argent.
Un jour, n’y tenant plus, j’ai posé la question à ma mère pendant que celle-ci cherchait son porte-monnaie tandis que la « musique de la quête » avait commencé.
– Dis, il est pour qui, l’argent du panier?
– Je ne sais pas, moi! Pour l’église!
– Pour l’église??
– Par exemple pour réparer les clochers.
Je l’ai regardée, perplexe. L’église était un bloc rectangulaire sans le moindre charme et…
– Mais! Il n’y a pas de clocher ici!
– Oh, tais-toi! Paul! Fais taire ta fille!
Elle a changé de place avec mon père à qui j’ai posé la même question:
– Il est pour qui, l’argent du panier? Maman a dit que c’était pour les clochers, mais nous n’en avons pas ici…
– Ca dépend… Parfois c’est pour réparer quelque chose de cassé dans l’église, parfois pour acheter autre chose, parfois pour les Missions. Je crois que cette fois, c’est pour des vêtements.
Le panier arrivait, je n’ai pas osé poser plus de questions.
J’avais 5 ou 6 ans et, dans ma petite tête de gamine, j’avais enfin cru comprendre pourquoi notre abbé était toujours vêtu d’une robe!
Il n’avait simplement pas les moyens de s’habiller autrement.
En sortant de la messe, ce jour-là, alors que le curé venait nous saluer comme il le faisait avec toutes ses ouailles, il s’est penché vers moi pour me faire mon bisou du dimanche.
J’en ai profité pour lui dire:
– Tu sais, il y avait beaucoup de sous dans le panier. Tu vas pouvoir t’acheter un pantalon comme papa!
J’ai vu ma mère devenir livide, me lancer un regard foudroyant et balbutier tandis que mon père éclatait de rire avec le curé.
Ce fut, pour ma pauvre mère le début d’une longue série de rires jaunes dont je fus responsable.
Martine Bernier