
Nous parlions couteaux, hier, avec la Dame de Chiboz, lorsque, dans la conversation, elle m’a demandé:
– Connais-tu les chiens réchauffeurs de Thiers?
Non, je ne connaissais pas…
Elle m’a expliqué qu’elle était un jour allée spécialement à Thiers pour en savoir plus à leur sujet, et m’a raconté ceci…
Thiers est une ville de France bien connue pour ses industries.
La papeterie, la tannerie, le fil de chanvre, les cartes à jouer: ces secteurs recelaient un précieux savoir-faire qui a permis le développement de la ville.
Et puis, il y avait les émouleurs.
La coutellerie est l’une des cartes de visite de l’endroit.
Au début du XXe siècle, les émouleurs travaillaient dans des conditions très dures.
Descendant le long d’un sentier pentu en direction de la rivière, ils se rendaient au « rouet », un moulin à entraînement hydraulique.
Là, ils se couchaient sur les planches au dessus de meules de grès qui tournaient, tournaient…
C’est sur ces meules placées dans la fosse qu’ils affûtaient la lame des couteaux, à bras tendus.
Le lieu était évidemment très humide, les conditions de travail terribles.
En hiver, le petit poêle n’arrivait pas à réchauffer la pièce.
Non seulement les hommes souffraient de cette position de travail leur déformant la cage thoracique, mais, de plus, ils vivaient dans un froid humide constant.
C’est là qu’intervenaient les chiens.
Des petits chiens qu’ils emmenaient avec eux au travail et qui se couchaient sur les jambes de leurs maîtres tandis qu’ils travaillaient.
Ils leur apportaient un peu de chaleur… et le pichet de vin de la pause achevait de réchauffer l’atmosphère.
Sur des photos trouvées par la Dame de Chiboz, les émouleurs, sympathiques gaillards le plus souvent moustachus, posent avec leurs chiens sur les genoux.
Ils avaient l’air de les aimer…
L’un d’eux tient un canard dont on ne sait s’il tenait lui aussi le rôle de réchauffeur.
D’autres photos des groupes les montrent avec des femmes.
Les polisseuses qui, souvent, épousaient les émouleurs.
On dit des émouleurs de Thiers qu’ils étaient de joyeux drilles.
Et c’est vrai que, sur les photos, ils ont des sourires francs qui donnent envie d’en savoir davantage sur eux.
C’est toute une tranche de vie que j’ai découvert là grâce à la Dame de Chiboz.
J’ai fort envie d’aller visiter Thiers…
Le passé industriel de cette ville mérite que l’on s’y attarde…
Martine Bernier
(source: « Du tranchant pour nos lames, les émouleurs de Thiers », par Christian Lemasson
5 réflexions sur “Les chiens réchauffeurs de Thiers”
Je connais bien cet endroit , c’est à proximité du pays de mes ancêtres , une belle région , encore un épargnée. 🙂
Est ce qu’il y avait aussi des chats qui réchauffaient les ouvriers ?
Merci
Je n’en ai jamais eu connaissance pour ma part, mais… qui sait!
Bonjour ; il y a un très bon livre de Jean Anglade ( Les ventres jaunes ) qui nous plonge dans l’atmosphère des émouleurs avec leurs fidèles compagnons ; leurs chiens , on comprend vraiment ce qu’était ce travail très pénible et parfois dangereux , quand une meule éclatait .
Bonjour! Merci pour votre message et pour le partage de cette information qui devrait intéresser toutes celles et ceux qui sont touchés par ce sujet…
Bien cordialement