Auguste Rodin est né le 12 novembre 1940.
Et Claude Monet est né deux jours plus tard.
Cette particularité avait interpellé le galeriste Georges Petit qui, en 1889, décida de consacrer une grande exposition à ces deux célèbres contemporains, qui régnaient en maîtres sur leur art respectif.
Pour Monet, l’aventure était extrêmement importante.
A tel point qu’il écrivit à Durand-Ruel, un autre grand galeriste, pour qu’il accepte de prêter certaines toiles de son stock à celui qu’il considérait comme son adversaire professionnel.
Dans un courrier qu’il lui adressa et qui est resté dans les archives, il lui explique qu’il a besoin d’un certain nombre de tableaux pour cette exposition qu’il considère comme une « grosse affaire ».
Pour lui, l’événement mérite des sacrifices: il abandonne sa part sur le prix des entrée, diminue son pourcentage sur la vente des oeuvres et offre au galeriste une série de tableaux.
Si le peintre s’investit en consacrant beaucoup d’énergie à choisir ses toiles pour l’accrochage permettant de donner un aperçu de 25 ans de travail, du côté de Rodin, c’est une toute autre histoire…
Le moins que l’on puisse dire est que le sculpteur n’est pas très enthousiaste…
Très occupé, comme à son habitude, il multiplie les activités, les contacts, se consacre à une foule de choses et de personnes et se désintéresse du projet de Petit.
Lorsque Monet exprima son souhait de le rencontrer pour pouvoir envisager avec lui la cohabitation de leurs oeuvres, Rodin explosa en public: « Je me fous de Monet, je me fous de tout le monde, je m’occupe de moi. »
Hum….
Le bouillant sculpteur eut le malheur de prononcer ces paroles fort sympathiques devant Goncourt qui les rapporta aussitôt dans son Journal.
Inutile de préciser que la réaction de son collègue artiste ne fit pas plaisir à Claude Monet.
A la veille du vernissage, très déçu, il exprima sa rancoeur à Georges Petit après avoir découvert combien les oeuvres étaient mal placées, se dévalorisant les unes les autres.
Triste, lui qui avait espéré une exposition symbolique où la peinture et la sculpture se compléteraient magnifiquement, il doit se résigner à voir ses toiles écrasées par les oeuvres monumentales d’un orgueilleux Rodin.
Il craint de voir son travail réduit au rang de décor…
Pour lui, la chose est entendue: il n’aspire plus qu’à regagner Giverny et à ne pas se montrer à l’exposition.
Et pourtant…
Malgré ses peurs et malgré les grognements de Rodin, celle-ci est un immense succès.
Le public se déplace en foule et passe beaucoup de temps à observer tableaux et sculptures.
La force et la lumière ont finalement appris à s’entendre…
Martine Bernier
Réf: « Le roman vrai de l’Impressionnisme », Thomas Schlesser et Bertrand Tillier, Beaux-Arts
A noter que la librairie de la Fondation Gianadda propose toujours les catalogues consacrés aux expositions de Monet et de Rodin.