Les rares fois de ma vie où j’ai regardé un match de football à la télévision, ça a été soit contrainte et forcée par mes frères, soit parce que, clairement, la vie de tout un peuple dépendait de l’issue du match, à en croire les commentateurs sportifs.
Depuis quelques jours, quels que soient les journaux ouverts ou écoutés, la même rengaine revenait en boucle: « l’équipe de France DOIT gagner son match contre l’Ukraine », « les joueurs sont minables ils ont la grosse têtes, sont antipathiques, ils feraient mieux de parler moins et de courir plus », « les supporters n’y croient plus »…
Impossible de zapper l’information: elle était partout.
A tel point qu’hier soir, réalisant que la crise que vit en ce moment la France ne serait rien à côté du drame national que représenterait une défaite, j’ai demandé à Pomme, avec laquelle je passais la soirée en tête-à-tête, si cela ne la dérangerait pas de suivre avec moi cette fameuse joute.
Elle n’a pas eu d’objection: de toute façon, elle avait à terminer le deuxième volume de « la Légende des Siècles ».
De mon côté, j’ai emporté au salon une occupation saine et passionnante (le tri du contenu d’un classeur qui attendait mon attention depuis des lustres, pour ne rien vous cacher), et j’ai branché la télévision sur la quête du Graal.
Je n’ai pas été déçue: j’ai assisté à un véritable phénomène de société.
L’avant-veille, j’avais entendu un joueur dire que « l’équipe était prête à mourir sur le terrain s’il le fallait ».
Diantre! Si ce n’est pas de la motivation, ça…
J’ai vu les supporters aux visages peints en bleu blanc rouge, j’ai entendu l’information annonçant que le président Hollande était dans les tribunes.
J’ai vu les équipes arriver sur le terrain, chaque joueur tenant un enfant par la main.
Mignon.
Puis, j’ai écouté les huées et les sifflets qui ont accompagné l’hymne national ukrainienne.
Beaucoup moins mignon.
Et enfin, j’ai entendu un stade entier hurler la Marseillaise avec une conviction combattante.
Et le match a commencé.
Au début, les présentateurs méfiants ont commencé à expliquer que les joueurs étaient furieux de devoir jouer sur un terrain massacré voici peu par d’autres combattants: les rugbymen.
A chaque but, j’envoyais un SMS à mon Capitaine qui n’est pas plus footeux que moi mais qui s’amusait de l’occasion.
Et à chaque action réussie, le stade relançait la Marseillaise.
Le verdict est tombé dans une vague déferlante de bonheur: la France sera donc présente au Brésil pour la Coupe du Monde.
François Hollande était content, le peuple aussi.
Et voilà!
Ce matin, la presse française est unanime à saluer dans la liesse la victoire de ces glorieux joueurs qui ont repris du poil de la bête.
Ceux qui étaient décriés la veille sont célébrés aujourd’hui.
Pas sûr que cela dure, mais ne jouons pas les mauvais augures…
On adore un jour ce que l’on a détesté la veille, et vice-versa… c’est tellement humain.
Ce matin donc, les Français sont plus heureux qu’hier.
Espérons que leur équipe se comportera dignement au pays de la samba.
Sur le terrain, bien sûr, puisque c’est ce que l’on attend d’eux et qu’après tout… ils sont payés pour cela.
Mais surtout en dehors.
Martine Bernier