Max, mon ordinateur Mac, affichait une petite mine.
Stoïque, il supportait depuis cinq ans un rythme de travail effréné sans jamais me traiter d’esclavagiste.
Mais, là, c’était trop et je le voyais.
Depuis des mois, son bureau ressemble à l’intérieur de mon crâne: une ruche en ébullition.
J’y déposais des dossiers, des applications et des fichiers en pagaille, simplement parce que je voulais pouvoir les retrouver et les retravailler d’un coup d’oeil.
De temps en temps, j’en « poubellisais » un ou deux, qui n’avaient plus lieu d’être, ce qui ne suffisait pas à désengorger pas les lieux.
Max supportait les choses sans broncher.
Il me regardait regrouper les choses dans un ordre discutable, sans rien dire.
Mais lui, le maniaque de la pertinence, n’en pensait pas moins et me le faisait savoir d’une manière perfide.
A chaque fois que je le rallumais, je retrouvais « son » bureau rangé à « sa » façon.
Quelques colonnes justifiées à droite, comportant des dizaines et des dizaines de « mes » précieux documents classés les uns en dessous des autres, par ordre chronologique.
Patiemment, je passais plusieurs minutes à les remettre à leur place, sans lui faire la moindre remarque.
Mais je sentais bien qu’entre Max et moi, l’ambiance tournait à la guerre lardée.
Il fallait agir, et je n’allais certainement pas lui laisser l’initiative.
Un soir de cette semaine, j’ai pris les choses en main.
Impitoyable, j’ai trié, classé, réparti les documents et les fichiers dans des sous-dossiers regroupés dans des dossiers centraux.
J’ai fait réapparaître un dossier général « Mes documents dans « le dock », (les initiés à Mac me comprendront: il s’agit d’une barre apparaissant sur l’écran dans laquelle se déposent des applications majeures à choix).
J’ai ensuite téléchargé un petit logiciel me permettant de créer des icônes avec de simples images.
Et j’ai personnalisé le tout pour ne plus avoir à hésiter pour les trouver.
Au départ, Max supportait sur son bureau, à l’écran donc, une bonne centaine d’icônes.
A l’arrivée, elles n’étaient plus que 30, bien rangées.
Je pourrais faire mieux, mais je tiens aux dossiers que je vois.
Bref, j’ai fait ce que toute personne normale réalise quotidiennement ou presque.
Il était temps.
Depuis, le ventre de Max ne ressemble plus à une république bananière, mais à un univers cohérent.
Les fichiers SDF n’y font plus la loi, plus aucun ne dort à la belle étoile, vautré sur l’image centrale sur laquelle sourit mon Capitaine.
Plus question de laisser traîner un article: ils sont immédiatement enregistrés là où ils sont censés se trouver.
Max respire.
Et moi aussi.
Martine Bernier