Cela faisait longtemps que j’en rêvais…
Voici quelques mois, lorsque j’ai su que la Fondation Gianadda allait consacrer une exposition à Renoir, j’ai demandé à Monsieur Gianadda s’il m’autoriserait à venir passer quelques heures dans les coulisses avant qu’elle n’ouvre ses portes, pour comprendre comment se déroulaient les préparatifs d’un tel événement.
Il a accepté.
J’ai proposé le sujet au rédacteur en chef du magazine Générations Plus, avec lequel je travaille, et j’ai reçu son feu vert pour un article qui va être mis en ligne aujourd’hui sans doute, sur le site dont j’ai indiqué le lien ci-dessous.
J’avais annoncé ma visite à la fondation pour l’après-midi d’hier.
Comme à chaque fois, tout avait été annoncé, préparé, les personnes concernées étaient averties de ma présence.
Ce professionnalisme est l’une des particularités de la maison… doublée d’une autre que je connaissais déjà, mais dont j’ai bénéficié une fois de plus: la gentillesse.
Il n’était pas dans mes intentions de gêner les équipes dans leur travail.
L’ouverture de cette exposition, attendue comme étant l’un des événements culturels majeurs de l’année, est prévue pour le 20 juin.
Demain.
Les employés de la Fondation ont eu très peu de temps pour procéder au démontage de l’exposition consacrée aux trésors de la Grèce Antique du British Museum, pour repeindre les murs, pour accueillir et déballer les oeuvres de Renoir et pour les accrocher.
Ils sont une dizaine à travailler sans relâche, et, hier, le travail était loin d’être terminé.
Pourtant, l’atmosphère était calme: chacun disait qu’ils allaient sans doute travailler de nuit pour arriver à tout mettre en place.
Le commissaire de l’exposition, Daniel Marchesseau, Anne-Laure Blanc, l’assistante de M. Gianadda et Florence Gay- Descombes, directrice des lieux, donnent le la.
Tous trois sont souriants mais concentrés.
Ils me montrent la maquette reproduisant l’intérieur de la fondation.
Des vignettes des tableaux y sont collées, donnant un aperçu de ce que sera l’exposition.
Le secret du bon fonctionnement des lieux vient indiscutablement de la fidélité du personnel.
Ici, m’explique Florence Gay-Descombes, la plupart des personnes travaillent depuis 20 ans et plus.
Il existe une relation de confiance entre chacun.
Tous savent ce qu’ils ont à faire.
Depuis lundi, les oeuvres son acheminées depuis la Suisse, la France, Monaco, l’Espagne, l’Allemagne, la Russie, la Belgique et ailleurs, selon des jours et des horaires précis.
A leur arrivée, elles restent 24 heures dans leurs caisses, afin d’avoir le temps de s’acclimater à la température ambiante, puis elles sont délicatement déballées et confiées aux soins d’un expert en art qui les examinent pour s’assurer qu’elles n’ont pas souffert du voyage.
Il effectuera le même travail minutieux de constat lorsqu’elles repartiront.
Ensuite, elles sont déposées contre les murs où elles vont être accrochées, pour une dernière vérification avant d’être fixées.
Lorsque je suis arrivée, plusieurs étaient déjà installées, tandis que d’autres attendaient leur tour.
Et même ainsi… la magie opère.
Les expositions de la fondation sont toujours des merveilles.
Et pourtant, cette immersion dans les coulisses est un moment bouleversant.
Ces oeuvres qui, depuis leur création, ont passé leur existence à être admirées, possèdent un charme inexplicable.
Ce mercredi, les Baigneuses étaient déjà accrochées.
Comme à chaque fois que je suis devant un Renoir, je suis happée par ses tableaux, par ces peaux veloutées aux teintes nacrées, par ces couleurs inimitables, l’atmosphère qui se dégage de chaque scène…
Cet artiste était touché par la grâce.
Un peu plus loin, je découvre avec émotion le tableau « Bleu et Rose » dont Monsieur Gianadda m’a confié l’histoire que j’ai ensuite racontée dans l’article de présentation de l’exposition.
Ces deux fillettes, l’une habillée de bleu, l’autre de rose, étaient les filles d’un riche banquier juif.
Il avait demandé à Renoir qu’il fasse leur portrait, mais n’avait pas été vraiment satisfait du résultat.
Ce tableau avait donc été posé dans les quartiers des domestiques.
Des années plus tard, il a été exposé une première fois à la fondation.
Et Monsieur Gianadda a eu la surprise de recevoir une lettre d’un visiteur lui expliquant qu’il avait été l’une des dernières personnes à voir en vie la petite fille blonde du tableau.
Elle était alors adulte et s’embarquait pour un train… en partance pour le camp d’Auschwitz d’où elle n’est jamais revenue.
Ce tableau, je le regarde avec une émotion particulière aujourd’hui que je sais quel a été le destin de cette enfant.
Dans la salle annexe, un autre coup de coeur attend les visiteurs.
La salle a été transformée en véritable cathédrale où ont été installées de lumineuses reproductions des vitraux que, sur la demande de Léonard et Annette Gianadda, Hans Erni et le Père Kim En Joong ont réalisés pour la chapelle de la Bâtiaz et du temps protestant de Martigny.
L’ensemble est d’une beauté à couper le souffle…
Les murs du couloir, eux, accueillent les photos pleines de poésie que Michel Darbellay a consacrées au jardin des sculptures de la Fondation, au fil des saisons.
De retour dans la salle principale, je reste là, à regarder les tableaux et ceux qui les manipulent avec d’infinies précautions, les mains gantées de blanc.
Dans quelques heures aura lieu le vernissage, auquel j’ai la chance d’être invitée avec mon Capitaine.
Comme toutes les personnes qui seront présentes ce jour-là, je sais que je serai saisie par la douceur et la vie des oeuvres de Renoir.
Et j’aurai une pensée reconnaissante pour les personnes qui rendent possibles ces moments si particuliers…
Les visiteurs viendront de partout pour découvrir cette exposition événementielle.
Ne la manquez pas: la plupart de ces oeuvres n’ont jamais été exposées.
Chacune d’elles renferme un peu du talent et de la magie de Renoir, qui n’avait pas son pareil pour insuffler de la vie et de la lumière aux personnages qu’il peignait…
Martine Bernier