« Qu’est-ce que c’est, ton problème? »

C’est la voix de Kim qui a répondu au téléphone alors que je tentais d’atteindre mon fils cadet:

– Bonjour, Kim, c’est moi. Tu es en forme?
– Oui… Et toi?
– Moi, j’ai un problème, dont j’aurais aimé parler avec Yann. Il est déjà rentré?
– Non, pas encore. Qu’est-ce que c’est, ton problème?
– L’une des pièces de mon appareil photo s’est cassée alors que j’étais en plein reportage…
– Ah… C’est quelle pièce?

Je souris.
Il n’a pas 8 ans, mais il semble s’intéresser à mon cas.
– C’est ce que l’on appelle le pare-soleil, je crois. Tu sais, la pièce ronde qui se visse sur l’objectif…
– Ah oui… Ton appareil est tombé?
– Non. Et il n’a  même pas eu de choc. Un petit morceau de pièce est tombé, puis un autre… je croyais que c’était la personne qui était en face de moi qui perdait quelque chose. Je voulais en parler à Yann pour lui demander s’il pourrait me procurer une autre pièce.
– Je crois qu’il doit l’avoir  en double. Il pourrait peut-être t’en donner une? Tu veux que je regarde?

Je n’en reviens pas.
Il réagit comme un petit homme, cherche une solution, prend mon souci très au sérieux.
Il me touche, le bougre!
Et il continue:

– Tu as essayé d’appeler Yann sur son autre téléphone?
– Oui, mais je tombe toujours sur son répondeur. Il a un souci avec son téléphone?
– Attends…. je demande à Maman.

Je l’entends appeler ma belle-fille:
– Maman? Il a changé de numéro, Yann? C’est pour Martine. Elle n’arrive pas à l’appeler et elle a un problème…
Jee arrive, vaguement inquiète, et je lui réexplique mon contretemps.
Nous vérifions si le numéro de téléphone que j’ai est le bon et… sur ces entrefaites, mon fils arrive.
Je lui reprend mon récit, et il me confirme qu’il va pouvoir m’aider.

– Et tes photos, elles sont comment?
– La lumière et les couleurs sont faussées…
– Ecoute, envoie-les moi. J’ai en rendez-vous, là, mais je regarde en rentrant!

Dans la soirée, les photos m’arrivent, rectifiées.
Et j’entame une longue conversation avec Yann, au cours de laquelle nous choisissons ensemble la pièce qu’il va me commander.
Puis je lui parle de Kim:
– Il m’a encore une fois impressionnée… Il grandit… Il a pris très au sérieux mon problème, a cherché des solutions, s’est impliqué… C’est un petit garçon très réfléchi.
Yann me demande de  lui raconter ma conversation avec Kim et ajoute:
– Tu sais, parfois, quand je le regarde, je me dis qu’il a ce qu’il faut pour être un enfant héros. Si un jour il arrive quelque chose, il ne paniquera pas. C’est le genre d’enfant à penser à appeler les pompiers ou un médecin en cas d’urgence. Par contre, il peut être complètement dans les nuages quand on lui demande quelque chose qu’il va oublier de faire!
– Tu me rassures: il est parfaitement normal!

Derrière la voix de Yann, j’entends les gazouillis de Tanawee, mon petit-fils.
A huit mois, il n’a qu’une envie: partir à la découverte du monde.
Et il commence à manifester sa désapprobation lorsque quelqu’un kidnappe l’un des jouets avec lesquels il joue.
Comme son grand frère, il est irrésistible.
Et je me demande… quelle personnalité développera-t-il?

Martine Bernier

par

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