Sur la terrasse, Pomme a un grand ami: un arrosoir aussi grand qu’elle, que mon Capitaine remplit en permanence et utilise pour ses plantations.
L’eau qui s’y trouve exerce un pouvoir d’attraction quasi hypnotique sur mon Mogwaï qui adore la boire.
Même si aucun produit n’est jamais mélangé à l’eau dans ce récipient, les parois intérieures ne sont pas nettes du tout, et Pomme sait qu’elle n’a pas le droit de s’y servir.
Mais, apparemment, la tentation est irrésistible…
Dès qu’elle le peut, elle file en douce rendre visite à l’objet en question.
Hier matin, après ce que je pense avoir été l’une des nuits les plus chaudes de l’année, j’ai décidé de commencer la journée en offrant une bonne douche à mon mini chien.
Après ses supplications muettes et mes encouragements d’usage pour qu’elle accepte de venir jusqu’à la salle de bain, puis qu’elle entre seule dans la douche, elle a eu droit à une opération grand nettoyage dans les règles de l’art.
Et c’est une Pomme bondissante et mouillée qui a filé en courant à travers la maison, retrouvant une fraîcheur oubliée.
Une heure plus tard, la chaleur aidant, son poil était à nouveau sec et soyeux… et elle de très bonne humeur.
Au bout d’un moment, alors que j’étais en plein travail délicat, j’ai réalisé qu’elle n’était pas près de moi, contrairement à son habitude.
Je suis partie à sa recherche.
En arrivant dans mon bureau où la porte-fenêtre était ouverte sur le balcon, j’ai entendu de longs lapements.
Les deux pattes de devant appuyées sur l’arrosoir, Pomme buvait goulument, à grands bruits.
L’arrosoir avait encore frappé!
La scène était très drôle… mais il fallait que je lui rappelle qu’elle s’adonnait là à une occupation proscrite.
Je suis intervenue, sans crier:
– Pomme! Mais qu’est-ce que tu fais?? Non!
Et là… elle m’a réservé l’une des scènes canines les plus hilarantes qui soient.
Elle s’est précipitamment extirpée de l’objet du délit et, bien campée au milieu du balcon, une patte en l’air comme quand elle joue aux précieuses, elle a commencé par regarder en l’air, à gauche, à droite, innocemment.
– Ne fais pas semblant de ne pas me voir, tu veux!
Elle m’a enfin regardée, fixant sur moi ses yeux foncés en affichant la mine la plus candide qui soit…
Un air innocent trahi par l’eau qui dégoulinait encore de ses moustaches trempées.
C’était si drôle que j’aurais aimé la prendre en photo.
Mais c’est toute la scène qu’il aurait fallu filmer…
La journée a passé, chaude… très chaude.
Et le soir, vers 22 heures, elle est venue près de moi, et m’a à nouveau regardée droit dans les yeux.
– Oui? Tu veux me dire quelque chose?
Dès que je lui ai parlé, elle a tiré la langue avec insistance, comme si elle était déshydratée.
– Oh! Tu n’as plus d’eau?? Viens, je vais t’en donner…
Nous sommes sorties du salon et je suis allée dans la cuisine… où sa gamelle d’eau était pleine à ras bord, remplie deux fois au cours de la journée pour qu’elle reste buvable.
Par acquis de conscience, j’ai remis de l’eau fraîche.
– Voilààààà!!! Tu peux boire!!
J’aurais mieux fait de me taire.
Mon Mogwaï a foncé dans mon bureau où la porte-fenêtre était cette fois ouverte uniquement pas le haut du battant.
Elle a fait mine d’essayer de l’ouvrir et m’a regardée pour que je vienne l’aider.
– Ah non! Tu peux boire dans la gamelle, pas dans l’arrosoir!
Elle a poussé un vrai soupir, s’est assise en bouddha, la truffe contre la vitre et le regard fixé sur le tentateur jaune.
Il a fallu que je déploie des trésors de persuasion pour la convaincre à revenir s’abreuver dans la cuisine.
J’avais l’impression d’être un monstre interdisant une idylle entre deux êtres innocents.
Qui aurait dit qu’il y aurait un jour une telle rivalité entre un arrosoir et moi…
Martine Bernier