Pomme et le petit matin

Six heures venaientt à peine de sonner lorsque je suis entrée dans mon bureau ce matin.
Pomme ne m’a pas suivie tout de suite.
Son expression me disait clairement: « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour tomber sur un spécimen pareil!? »
Une fois sortie de la salle de bain, je me suis glissée sans bruit à mon clavier et j’ai commencé à répondre aux mails en retard.
Au bout de quelques minutes, j’ai entendu un  léger bruit très caractéristique.
Des petits pas sur le parquet de la chambre, puis sur les dalles du couloir et à nouveau sur le parquet, de mon bureau, cette fois.
Pomme se levait.
En temps normal, elle se branche en mode somnambule et traverse les pièces au radar pour retrouver son « panier de travail », celui qui se trouve dans mon bureau, pièce de réflexion ô combien intense.
Cette fois, elle a dû percevoir que ce vendredi n’est pas tout à fait comme les autres.
En passant, elle m’a jeté un coup d’oeil.
– Bonjour, Pomme. Bien dormi?

Plutôt que de m’ignorer pour aller finir sa nuit dans son panier, elle a fait un crochet par mon siège, ce qui, à cette heure, est très exceptionnel.
Elle a posé ses pattes avant sur ma cuisse et s’est étirée de tout son (petit) long.
– Pauvre Pomme, je t’ai réveillée trop tôt?
Elle a levé vers moi sa bouille toute ronde et m’a fixée de ses yeux noirs, aussi brillants que deux billes.
J’ai pris cela comme une preuve d’intérêt:
– Je dois faire des choses très compliquées, aujourd’hui… Alors forcément, tu me connais, j’y ai pensé une bonne partie de la nuit.
Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle compatissait mais au moins avait-elle l’air plus ou moins intéressée.
Et puis… j’ai eu un doute.
J’ai murmuré le mot magique:
– Manger?
Son intérêt poli s’est mué en passion soudaine pour mes paroles.
En soupirant, je lui ai donné une mini récompense qu’elle a avalée en une fraction de seconde.
Puis elle m’a observée un instant, a constaté que la manne céleste était interrompue pour l’instant, et est partie se réfugier dans son panier où elle a fait semblant de dormir.
C’est fou ce que son soutien moral est précieux les jours de grand stress!

Martine Bernier

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