Depuis quelques semaines déjà, les mercredis soirs sont réservés à mon fils aîné et à son petit Aurélien, qui aura deux ans en septembre.
A chaque fois, mon Capitaine prépare des repas-dînettes somptueux adaptés aux goûts de chacun.
Comme ces soirées sont faites à l’échelle de celui que j’appelle Tiloulou, nous ne mangeons pas à la grande table familiale, mais sur une petite table basse de salon, ce qui lui donne des repas amusants et insolites.
Et le minimoï aime particulièrement piller le contenu de mon assiette qui semble davantage correspondre à ses préférences.
Hier soir, son capitaine de grand-père, qu’il appelle donc Papino, lui sert une petite assiette de ravioles au fromage, qu’il mange à sa façon avant de venir me retrouver.
Il vient de terminer mon morceau de poulet froid et compte bien partager son assiette à son tour.
Avant que j’aie pu réagir, je vois ses petites mains pleines de fromage s’approcher dangereusement de mon sublimissime pantalon noir:
– Oh non, non…. nooooonnnnn…
Trop tard.
Le noir impeccable est parsemé de gorgonzola.
Compatissant, mon fils me tend une serviette et je commence à réparer les dégâts sous l’oeil très attentif du Tiloulou à peine compatissant.
Je termine, assez satisfaite:
– Voilàààà! C’est mieux!
Désireux de m’apporter son aide, Aurélien s’empare de sa propre serviette à laquelle il a déjà fait subir l’épreuve du fromage.
Je me demande même s’il ne lui a pas fait prendre un bain de gorgonzola dans son assiette…
Et là, une fois encore avant que j’aie pu prévenir son geste, il s’approche de mon pantalon et parachève mes travaux de secourisme en le frottant énergiquement avec sa serviette souillée.
Résultat de l’opération: le noir est encore plus massacré qu’avant son intervention.
Très content de lui, le petit m’adresse un sourire ravi et un « voilààààà » triomphant:
– Heu… voui… merci, Tiloulou, tu es très gentil! Bon… heu… le résultat n’est pas extraordinaire, mais ce n’est pas grave.
Fin du match: Aurélien 1 – Pantalon 0.
Ce dernier finira honteusement dans le panier de lavage…
*****
Notre petit visiteur plonge dans le coffre à jouets et, au prix de laborieux efforts, en sort un sac en tissu qu’il pose péniblement sur mes genoux en annonçant: « louuuurd… »
J’ouvre le sac dans lequel, il le sait, se trouvent les petits animaux en plastique.
Il aime beaucoup les sortir un à un et répéter leur nom.
Cheval, mouton, cochon, vache… tout le monde y passe.
Jusqu’au moment où il en sort un en bêlant:
– Tu sais encore ce que c’est?
– Mouton!
– Non: c’est une chèvre. Enfin… pas vraiment. Tu vois, il a de grandes cornes et une barbiche. C’est le papa chèvre. C’est le bouc.
– Bouc!
– Très bien!
Il prend l’animal entre ses doigts, l’examine sous toutes les coutures, puis, me montrant sa barbe, il ajoute:
– Bouc… Papino!
Martine Bernier